Un récent rapport d’information remis à l’Assemblée Nationale tente d’évaluer l’influence française au sein de l’Union européenne.
Même si on peut, ne pas partager l’intégralité de son point de vue, et des explications qu’il avance , il présente un intérêt sur ce sujet important lorsqu’on connaît le poids des Anglo Saxons !
Les rapporteurs constatent que l’influence de la France dans l’Union européenne est aujourd’hui affaiblie. L’affaiblissement de l’influence française résulte en partie des vagues d’élargissement successifs à l’Est depuis 2004. Par un effet mécanique, ceux-ci ont dilué la présence française dans les institutions européennes:
– perte du deuxième commissaire français, diminution de la part des voix françaises dans le total des voix au Conseil ;
– perte de poids numérique de la délégation française au Parlement européen ;
– ralentissement de l’entrée des fonctionnaires d’anciens États membres et leur progression de carrière pour permettre l’intégration de fonctionnaires ressortissants de nouveaux États membres à la fonction publique communautaire.
L’élargissement à l’Est a également eu un véritable effet politique, en éloignant la France des autres États membres du centre de l’Union européenne, d’un point de vue géographique, mais également culturel et idéologique.
Il a contribué à la considérable diminution de l’usage du français au sein des institutions européennes, et notamment à la Commission européenne, où la part de textes initialement rédigés en français, qui s’élevait à 16,5 % en 2005, n’atteint plus que 5 % aujourd’hui.
Mais ce sont surtout les mauvaises performances économiques et budgétaires de la France qui ont conduit à son affaiblissement sur la scène européenne, en nuisant à sa crédibilité. Dans une situation chronique de déficit public excessif par rapport aux critères de convergence de l’Union économique et monétaire, la France est aujourd’hui « suspecte » sur le plan économique et budgétaire aux yeux de ses partenaires européens. Le risque est aussi pour la France de voir sa politique européenne dictée par la seule recherche d’un compromis budgétaire qui lui soit favorable, au détriment de ses autres intérêts. Le non-respect de ses engagements budgétaires a un coût de plus en plus lourd pour la France, l’isolant et réduisant son poids politique au sein de l’Union.
Par ailleurs, la faiblesse de la position française au Parlement européen est un facteur majeur de la perte d’influence française dans l’Union européenne. Cette situation n’est pas nouvelle : la France est au Parlement européen en infériorité numérique par rapport à l’Allemagne, et les députés européens élus en France peuvent parfois avoir des difficultés à s’adapter à la culture politique très différente du Parlement européen (importance de la durée du mandat, rôle des rapporteurs fictifs et des coordinateurs, nécessité de mettre en place des coalitions transpartisanes). Mais la présence depuis 2014 de vingt-trois députés du Front national affaiblit considérablement la position de la France au Parlement européen : la position de parlementaires refusant de reconnaitre la légitimité de l’institution au sein de laquelle ils siègent les marginalise évidemment, et « ampute » de facto la délégation française d’un tiers de ses membres.
La présence des Français dans l’administration des institutions européennes est pour le moment satisfaisante, mais cette situation pourrait ne pas perdurer : Entre 400 et 500 Français présents à la Commission européenne devraient partir à la retraite d’ici 2020, et il faut s’assurer que le « vivier » de français présents à tous les échelons dans les institutions européennes soit entretenu. Or, aujourd’hui, les résultats des concours européens sont très décevants pour la France, qui compte un nombre insuffisant de lauréats ( du fait de la récente réforme des concours mais surtout d’un manque de candidats sur la ligne de départ ).
Des mesures concrètes doivent être mises en place pour inverser cette tendance : meilleure information des candidats, système de bourses spécifiques, meilleur suivi et accompagnement des nouveaux lauréats, notamment.
Pour être influente en Europe, la France doit mieux comprendre le fonctionnement de celle-ci, et adopter des « réflexes européens » : anticiper, partager l’information, faire des coalitions, éviter l’arrogance.
L’administration française a progressivement su prendre le tournant de l’Europe, même si des progrès peuvent encore être faits. Par ailleurs, les collectivités territoriales et les entreprises françaises savent également de mieux en mieux défendre leurs intérêts à Bruxelles, notamment grâce aux bureaux de représentation qui s’y sont installés.
Mais c’est davantage au niveau politique que la place de la France en Europe se joue.
La voix de la France en Europe reste une voix écoutée et attendue. Contrairement à certaines idées reçues, l’Allemagne ne souhaite pas forcément occuper le devant de la scène européenne à elle seule, au contraire : elle prend seulement la place que la France laisse vide. L’influence n’est pas une fin en soi. Pour être influent, il faut avant tout porter des idées, savoir vers où on veut aller, porter des positions claires et lisibles. C’est probablement de cette absence de vision prospective dont la France souffre le plus aujourd’hui.
Il est nécessaire, pour porter cette voix, que la position du ministre des affaires européennes soit renforcée, et que celui-ci s’émancipe de la tutelle du ministère des affaires étrangères, en étant par exemple rattaché du Premier ministre, et en disposant de sa propre administration.
Enfin, les rapporteurs considèrent que le Gouvernement doit faire de l’influence et de la présence française dans l’Union une véritable politique publique, dotée de moyens humains et financiers, et contrôlée par le Parlement. Ils proposent la constitution d’une cellule de veille au sein de la commission des affaires européennes.
Retrouver ce rapport d’information
Ce rapport vient en complément d’un autre rapport sur le même thème de la Fondation Robert Schuman
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