De grosses différences dans les rythme du temps de travail de chacun

isTravail à la chaîne, le dimanche, la nuit, en horaires décalés…Durée des trajets, travail domestique, durée de la retraite, avenir incertain… Les inégalités dans l’usage et le contrôle du temps façonnent nos modes de vie.  l’Observatoire des inégalités, a publié sur ce sujet, moins souvent évoqué que l’inégalité des revenus, une  réflexion intéressante .

Si vous avez la chance de pouvoir vous affranchir du travail pendant une semaine, vous êtes sans doute du bon côté. Celui de la minorité qui dispose d’un peu plus que les cinq semaines légales de congés payés, et des moyens pour prendre le large

Des millions d’actifs  ont le rythme de leur activité professionnelle dicté par une machine, travaillent de nuit ou le week-end, n’ont aucune visibilité sur leurs horaires au-delà de quelques semaines ou doivent en changer d’une semaine à l’autre. Les écarts de rythme de temps imposés s’accroissent entre les précaires du temps et ceux qui le maîtrisent.

La durée hebdomadaire du travail ponctue la vie de ceux qui ont un emploi . Les 35 heures sont encore loin pour beaucoup, notamment pour les cadres dont le temps de travail dépasse souvent le cadre horaire légal et parfois déborde sur la vie personnelle (44 heures par semaine en moyenne). Selon le Crédoc, 22 % des salariés utilisent les nouvelles technologies pour le travail en dehors de leurs horaires et lieux de travail habituels. Toute la difficulté est de savoir dans quelle mesure ce sur-travail est imposé par l’entreprise ou pas.

Par rapport à 1950, un salarié français moyen a vu son temps de travail baisser de 25 %. L’équivalent de 480 heures, 64 jours ou 12 semaines. A l’époque, il n’était pas rare de travailler encore 50 heures et d’avoir trois semaines de congés. Historiquement, dans tous les pays, la part du progrès économique qui va au travail a toujours été répartie entre l’élévation des niveaux de vie   d’un côté et la réduction du temps de travail de l’autre.

Pour se dégager du temps dans la semaine, 7 % des hommes et 30 % des femmes (soit 18 % de l’ensemble des salariés) occupent un temps partiel. Parmi les femmes en temps partiel, 30 % déclarent avoir fait ce choix faute d’avoir trouvé un emploi à temps plein, selon les calculs du ministère du Travail (données 2011). Un tiers des femmes en temps partiel le font « pour s’occuper des enfants ou d’un autre membre de la famille », 16 % pour « disposer de temps libre ou faire les travaux domestiques » et 5,7 % pour des raisons de santé.

Le temps disponible pour soi dépend aussi du rythme du travail domestique. Dans ce domaine, l’inégalité se passe surtout entre hommes et femmes . Chaque jour, les femmes actives consacrent en moyenne 2h35 au ménage, soit 1h30 de plus que les hommes actifs (données Insee 2010). Les ménages les plus aisés font prendre en charge une partie du temps domestique le plus ingrat – notamment le ménage – par du personnel à domicile, mais la grande majorité des couples n’en a pas les moyens.

  Le rythme des heures à l’intérieur de la journée compte aussi . Un cinquième des salariés a des horaires variables selon les jours, fixés par l’entreprise. D’autres alternent par équipe sur deux ou trois huit : 8 % sont concernés en 2013. Si 16 % des ouvriers alternaient en équipes de travail (la proportion était de 14,7 % en 1984), seuls 7 % de l’ensemble des salariés et 1 % des cadres avaient ce type d’emploi du temps.

D’autres ne connaissent leurs horaires que quelques jours à l’avance : c’est le cas de 22,8 % des cadres comme des ouvriers non-qualifiés. Seuls les employés administratifs semblent être réellement mieux lotis, 8 % étant dans ce cas.

Enfin, pour une partie des employés des services notamment, des caisses d’hypermarchés aux femmes de ménage, la journée est morcelée en fonction des besoins de l’employeur. Deux heures le matin, une heure l’après-midi, une autre le soir. Une coupure souvent associée au temps partiel qui fait que quatre heures de travail au total ne permettent pas vraiment de disposer dans la journée d’un temps pour soi, pour le repos ou une autre activité.

En fonction de leur position dans la journée ou la semaine, les heures de travail ne se valent pas. Une heure de 19 à 20h de la femme de ménage qui nettoie les bureaux n’est pas équivalente à une heure réalisée entre 10 et 11h du matin. Idem pour celle du dimanche de la vendeuse dont le magasin est ouvert. Un salarié sur huit travaille régulièrement le dimanche , dans le secteur du commerce, de l’hôtellerie et de la restauration, ainsi que dans les services publics (hôpitaux, police et gendarmerie notamment).

Les temps de transports domicile-travail mangent une partie du temps libéré. Dans ce domaine, les cadres sont pénalisés : ils mettent en moyenne 28,5 minutes pour se rendre sur leur lieu de travail contre 20 minutes pour les ouvriers, soit un quart d’heure d’écart aller-retour par jour (données Insee 2008). Les distances entre le domicile et l’emploi se sont allongées. Une partie des couches moyennes sont allées chercher à la périphérie de la ville des logements à des prix plus abordables, mais en contrepartie acceptent des temps de déplacement qui empiètent sur leur vie. C’est surtout pour elles que le temps de loisir est réduit. 14,4 % des cadres et 9 % des professions intermédiaires mettent plus de 45 minutes pour se rendre au travail, contre 5,4 % des ouvriers.

L’inégalité face au temps se juge aussi face à des rythmes beaucoup plus longs. La précarité des contrats de travail modèle la vie de millions d’actifs. Chez les jeunes de milieux populaires, la précarité est généralisée. Les horizons de vie, la capacité à se projeter dans l’avenir, deviennent inégaux. L’intérimaire vit au gré des missions. Le salarié en CDD ne peut faire de projets au-delà de la durée de son contrat. En pratique, ces statuts rendent la location d’un logement, les départs en vacances ou l’installation en couple beaucoup plus difficiles à niveaux de vie équivalents.

Tout au long de l’année, pour les actifs, la possibilité de retrouver du temps pour soi dépend du nombre de jours de congés. Cinq semaines selon le droit du Travail, complétées par une dizaine de jours fériés. Les inégalités sont là aussi imposantes. Les cadres disposent de huit semaines de congés en moyenne, contre six pour les ouvriers . Dans les entreprises aux conventions collectives très favorables et parmi le monde enseignant, le nombre de jours de congés est bien plus élevé, de l’ordre d’une douzaine de semaines sur une base de 40 heures hebdomadaires . C’est aussi vrai des salariés dont la durée hebdomadaire est restée à 39 heures, mais qui ont obtenu des jours dits de « RTT » qui peuvent représenter l’équivalent de quatre semaines supplémentaires de congés, placées plus ou moins librement dans l’année.

Enfin, dans le rythme des temps, celui passé à la retraite compte beaucoup. Seule une poignée d’irréductibles – artistes, savants ou hommes politiques – n’arrivent pas à décrocher tant ils s’épanouissent au travail. Les cadres ont tendance à cesser leur activité un peu plus tard, mais ils disposent d’une espérance de vie supérieure. Du fait d’emplois moins pénibles physiquement, ils vivent en moyenne six années de plus que les ouvriers.

 D’où une espérance de durée de retraite très variable : Chez les hommes, les cadres disposeraient de 22,7 années, contre 19,9 années pour les ouvriers. Chez les femmes, les cadres auraient une espérance de retraite de 28,5 années, contre 25,6 pour les ouvrières (données 2008). L’inégalité est majeure : les cadres peuvent profiter de trois ans de plus que les ouvriers, une fois la période du travail terminée. Réparti sur l’ensemble de la vie active, cela représente presque un mois de congés par an. Cet écart se double d’une inégalité selon les sexes, pour une fois profitable aux femmes, de l’ordre de cinq années.

 

 

 

 

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4 Commentaires

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    • Yoann Ridez sur avril 26, 2016 à 5:10 pm
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    Et lal oi El Kohmri en donnant plus de poids aux accord d’entreprises (par rapport à la loi) va encore augmenter ses inégalités? Puisque la flexibilité imposée risque de se généraliser, dans lesTPE/PME, creusant un fossé avec les autres entreprises où les délégués syndicaux pourront sauver des miettes

    Non?

    1. Démarche très française ou la loi doit décider de tout ce qui fait, qu’elle est de moins en moins appliquée ou soigneusement “évitée” ! Il faut faire confiance aux partenaires sociaux et développer, dans un cadre fixé, la négociation dans l’entreprise ! Ne faisons pas comme si la France est un ilot dans l’économie mondiale .

    • Décroissant sur avril 26, 2016 à 5:31 pm
    • Répondre

    Votre article a le mérite de livrer des pistes de réflexion sur une meilleure répartition entre temps de travail et temps pour soi, et une distinction bienvenue entre travail choisi et travail subi.

    Jean Fourastié, économiste franchement libéral, avait théorisé la société des loisirs à travers notamment deux ouvrages « les 40.000 heures » (1965) et « Des loisirs : pour quoi faire ? » (1970). Au sortir des Trente Glorieuses (terme qui lui est attribué) et avant le premier choc pétrolier, il envisage la semaine de 30 heures et une vie active de 35 années, ce qui dégage effectivement pas mal de temps libre, mais contrebalance cette annonce prospective sympathique par un diagnostic pessimiste sur la capacité de la société à l’utiliser de manière juste.

    De nombreux autres économistes, ayant constaté que le taux de croissance des économies occidentales avait perdu un point tous les dix ans depuis la dernière guerre, en concluent que nos économies vont devoir faire durablement avec des taux anémiés.

    Aussi annoncer périodiquement, comme le font tous nos dirigeants politiques, une reprise de la croissance qui va tirer mécaniquement l’emploi relève à proprement parler de l’escroquerie. La mondialisation n’étant pas prête de s’arrêter, il faudrait à l’évidence agir sur d’autres leviers pour offrir du travail à tout le monde.

    Une répartition temps de travail / temps de loisirs (pouvant aussi être utile) étendue à l’ensemble de la société aurait cette vertu, mais il faudrait renverser les idoles du taux de croissance et du plein emploi, sujets tabous s’il en est !

    1. J’ai soutenu ma thèse en 1976, sur l’analyse conjoncturelle du chômage : elle développe l’idée une “autonomie relative” , dès le début des années 70, du chômage par rapport à la croissance : c’était la raison d’un désaccord que j’avais avec la politique de relance envisagée par Mitterrand en 1980 : on a vu le résultat dès 1983! je partage donc une bonne partie de vos propos sur le fait qu’on ne réglera pas la question du chômage par la croissance , quelle qu’en soit l’ampleur à venir!

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