La loi Travail a cristallisé beaucoup d’oppositions sur la question du dialogue social dans l’entreprise.
Elle suscite bien des craintes de la part de responsables du Patronat qui y voit un risque de « dilution de leur pouvoir » dans ce qu’ils considèrent comme leur propriété : hors une entreprise, c’est un ensemble complexe qui ne se résume pas à ses actionnaires.
Mais elle suscite aussi des oppositions chez certains responsables syndicaux qui y voit le risque d’accords qui ne leur plaisent pas, la perte de certains pouvoirs institutionnels, la perte d’une vision « lutte de classes » de l’action syndicale. N’ayons pas une vision purement idéologique de l’entreprise !
Alors que nombreux à gauche, sont ceux qui plaident pour une « plus grande implication citoyenne » dans la société, pour le développement de la « démocratie participative », pour une utilisation plus fréquente du « référendum », il serait paradoxal que les mêmes freinent le dialogue social dans l’entreprise ! « Citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l’être aussi dans leur entreprise, et être acteurs du changement au sein de celle-ci » comme le dit la CGT de SFR..
Certes la culture française est fortement marquée dans tous les domaines par une centralisation qui, si elle a permis une certaine « harmonisation », est aujourd’hui porteuse de rigidités et de blocages : il convient de trouver aujourd’hui « un nouvel « équilibre ».
Le dialogue social dans l’entreprise c’est d’abord une meilleure implication des salariés dans ce qui fait leur vie dans l’entreprise. C’est renforcer la vitalité syndicale, et mieux l’ancrer dans la « réalité de l’entreprise ». Traiter « par le haut », à un niveau plus abstrait, c’est forcément « bureaucratiser » le travail syndical , aussi bien pour les salariés que pour les chefs d’entreprise , le faire porter par des représentants plus éloignés d’eux.
La branche, il faut bien le reconnaître, perd de sa pertinence pour éviter les concurrences déloyales ou le moins disant social ; Elles regroupent des entreprises de tailles très différentes ; les innovations technologiques, les disparités territoriales ou mondiales, créent au sein même des branches une hétérogénéité croissante entre les entreprises. Elle est même parfois le moyen d’empêcher l’émergence de nouveaux concurrents.
L’état doit bien sûr garder son rôle de préservation , de contrôle de ce dialogue et des accords auquel il aboutit. La loi Travail, sans doute maladroitement, essaie d’avancer en ce domaine, en élargissant et favorisant les accords d’entreprise !
Ce n’est pas nouveau :Il y a déjà aujourd’hui plus de 38 000 accords par an, dont beaucoup signés par la CGT et FO pourtant en pointe contre cet aspect. La loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social, puis celle du 20 août 2008 sur le temps de travail ou enfin celle du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi, avaient déjà permis de déroger aux accords de branche.
Des règles sont mises en place pour éviter d’éventuelles dérives : Les dispositions de l’accord d’entreprise ne doivent pas être contraires à ce qui est indiqué dans l’accord de branche. Elles ne peuvent pas non plus être défavorables aux salariés en matière de minima sociaux, protection sociale complémentaire, mutualisation des fonds de la formation professionnelle. Une négociation annuelle doit être mise en œuvre sur les salaires, la durée effective et l’organisation du temps de travail,le travail à temps partiel , l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées.
En cas de blocage pour adopter un accord d’entreprise, les syndicats représentant au moins 30% des salariés pourront demander l’organisation d’un référendum. Le vote des salariés, à la majorité des suffrages exprimés, primera sur la décision des syndicats. Pour l’instant, ces référendums ne pouvaient porter que sur certains dossiers (durée du travail, des repos et des congés). Un syndicat ayant obtenu plus de 50% des voix peut donc bloquer un texte, même si la majorité des salariés y est favorable. Avec ce référendum, une entreprise pourra donc contourner le ou les syndicats majoritaire(s), à condition de s’appuyer sur un syndicat pesant au moins 30% des suffrages.
Enfin une nouveauté de cette loi est de donner la possibilité à une entreprise de conclure un “accord de développement de l’emploi”. Une entreprise pourra conclure un accord pour moduler le temps de travail et la rémunération des salariés afin de partir à la conquête de nouveaux marchés. Cet accord pourra durer jusqu’à deux ans. Aujourd’hui, il est déjà possible de réduire le salaire des employés ou de les faire travailler plus pour un salaire inchangé, mais seulement dans les entreprises qui vont mal : il s’agit des accords de maintien dans l’emploi, qui sont dits “défensifs” car conçus pour éviter les licenciements
Dans les entreprises sans représentation syndicale, les employeurs pourront négocier avec des salariés mandatés par un syndicat représentatif sur tout sujet pouvant faire l’objet d’un accord.
Sur la durée, dans le contexte de globalisation de l’économie que nous connaissons aujourd’hui, la protection des salariés « par le haut » est de plus en plus fragile, et « délègue » cette protection à des représentants éloignés de la réalité de l’entreprise ; les salariés ont tout intérêt à s’impliquer de plus en plus dans la vie de leur entreprise et c’est tout l’intérêt de « donner du grain à moudre » au dialogue social dans l’entreprise !
8 Commentaires
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Comment s’intégrer dans la vie d’une entreprise quand on sait que la plupart des entreprises françaises sont des TPE ou des PME ou le dialogue social est rare quand il n’est pas inexistant…
Votre discours est ben joli sur le papier mais c’est celui d’un col blanc (oui c’est passéiste comme expression mais je la revendique)
Quand on travaille dans une PME ou une TPE ( soumise elle même la plupart du temps à des donneurs d’ordres ) on à pas droit au chapitre, on peut quémander quelques avantages mais la stratégie d’entreprise, la gestion des ressources etc ; restent seul à l’initiative des collèges dirigeants…
il y’a bien sur les espoirs que suscite quelques réussite coopérative, mais cela reste marginal,
la situation actuelle nous le prouve encore une fois seul le rapport de force est entendu par les directions, et par un pouvoir, qui tente de masquer les fissures à coup de com et de lacrymogène, pathétique
Oui le dialogue doit être renforcé dans les entreprises mais en renforçant des syndicats combatifs (qui ont leur défauts de centralisme et de clientélisme à la papa je vous le concède) mais qui savent aussi rassembler les travailleurs…(cf démonstration des dockers du Havre) Peut être qu’une certaine gauche à oublié que ce sont ces derniers qui l’ont construite et élu…
Il est encore temps de s’en souvenir sinon certains réveil auront un goût amer…
PS:un exemple ressent ou le rapport de force fonctionne ; la clinique Mathilde
Auteur
Pour renforcer le dialogue dans l’entreprise il faut aussi donner du contenu à la négociation ! je connais beaucoup de petite entreprise ou le contexte , le climat n’est pas celui que vous décrivez ! Je ne sais pas ce que vous appelez syndicats combatifs : pour moi ce qu’il faut ce sont des syndicats de masse , très en phase avec la majorité des salariés , capables de construire des accords d’entreprises ; le centralisme , le clientélisme …éloignent d’un vrai syndicalisme ; aujourd’hui la CGT , je pense, construit sa perte en se minorisant , se radicalisant car elle se coupe de la grande masse des salariés, au bénéfice de quelques clientèles !
Développer le dialogue dans l’entreprise, une ambition de gauche ! laissez moi rire…
Le dialogue sociale du gouvernement c’est le 49.3
l’article 11 (ex-article 13) permet de négocier, au niveau de l’entreprise, et sans avoir à justifier de quelque difficulté économique que ce soit, des accords dits « de préservation ou de développement de l’emploi » traitant de tous les domaines de la négociation collective, y compris le temps de travail et les salaires. Ces accords s’imposent alors aux clauses plus favorables aux salariés contenues non seulement dans l’accord de branche, mais aussi dans le contrat de travail. Ils ne peuvent aboutir à une diminution de la rémunération, mais, comme ils permettent d’augmenter la durée du travail, ils conduiront, à salaire constant, à une baisse du taux horaire, autrement dit à « travailler plus pour gagner autant ». Plus grave encore, les salariés qui refuseront de voir leur contrat ainsi modifié dans un sens défavorable, quel que soit leur nombre, seront licenciés selon la procédure individuelle (donc en dehors de tout plan de sauvegarde de l’emploi) et pour un motif que la loi qualifie par avance de « réel et sérieux ». Loin d’améliorer ce texte, le gouvernement a réussi le tour de force de l’aggraver encore en profitant du recours en 49-3, sans débat ni vote.
sur les négociateurs :
Pour négocier un accord, il faut être deux… et accepter la présence d’un ou plusieurs délégués syndicaux pour en permettre la ratification. Il eût été impensable d’imposer une telle « contrainte » aux employeurs qui sont parvenus jusqu’ici à empêcher tout dispositif légal susceptible de favoriser réellement l’implantation syndicale. Le nouveau texte prévoit en conséquence la possibilité de signer ces accords avec des salariés mandatés, par des organisations syndicales, pour cette négociation mais surtout aucune autre… Le mécanisme caractérise ainsi une nouvelle fois l’absence de volonté réelle de négocier au niveau de l’entreprise, sauf s’agissant d’accords réducteurs des droits et des règles favorables aux salariés. Le texte apparaît dans cet esprit comme une nouvelle opportunité offerte au patronat.
sur la durée:
Nicolas Sarkozy avait imaginé des accords de deux ans renouvelables. Il a été choisi ici un accord à durée déterminée, limité à cinq ans. Un progrès ? On rappellera qu’un accord à durée déterminée ne peut être dénoncé avant son arrivée à expiration. Autrement dit : un syndicat (ou un salarié mandaté) qui constaterait que l’employeur, non seulement n’atteint pas ses « objectifs », mais leur tourne le dos, ne pourra pas revenir sur sa signature. Pendant ce temps, les concessions des salariés continueront de produire leurs effets.
et je n’aborde pas tout le reste….
Des syndicats combatifs ce sont des syndicats qui se battent pour l’intérêt de leurs adhérents mais savent aussi lutter pour l’intérêt de tous, savent apporter du contenu et de la formation,
et ne dite pas que la CGT, FO et Solidaires n’apportent pas du contenu; ce sont les premières forces de propositions,
et si elle sont moins en accord avec les visons du PS que la CFDT, CFTC et CGC c’est que deux visions de la société s’opposent et deviennent de moins en moins compatibles, malheureusement.;
Mais si certains syndicalistes se radicalisent, c’est peut etre parce qu’on ne leur a pas donné la parole et quand ils l’ont prise on a préféré les crs aux médiateurs; et qu’au lieu de faire la synthèse , notre premier ministre et tous ses portes flingues s’amusent à jeter du gazole sur le feu…
Cela ne fait que renforcer une fracture déjà très présente dans la France populaire et celle de la gauche alternative, Et si tous ne sont pas d’accord avec le mouvement et en particulier celui qui cause des problèmes d’approvisionnement en carburant; plus nombreux sont ceux qui sont en désaccord avec la politique du binome Élysée Matignon (dernier sondage à 16-25%)
Selon moi et pour faire écho a votre note sur l’élection autrichienne Il reste quelques mois aux militants socialistes pour faire comprendre à leurs cadres qu’aucun des leurs ne pourra être la locomotive nécessaire à l’obtention d’une majorité réellement de gauche à l’assemblé et d’un locataire à l’Elysée qui puissent rassembler…
Cette analyse est vraiment très utile car on dit n’importe quoi sur cette Loi Travail. Il suffit de faire une déclaration devant un pneu brulé ou de monter avec un micro sur un tas de caillou pour passer au journal télévisé. Les médias relaient ainsi les déclarations les plus fantaisistes.
La loi est adoptée dans la douleur, mais elle comporte des évolutions qui vont vraiment dans le bon sens :
1 le compte personnel d’activité. L’idée est d’attacher plus de droits à la personne plutôt qu’au statut (cdd, cdi,…). Si cela ne va pas encore assez loin c’est toujours cela de pris. Il faudra continuer.
2 une plus large possibilité pour les entreprises de s’adapter à leurs contraintes spécifiques en cas d’accord majoritaire (négociation syndicats-direction). S’il n’y a pas d’accord, c’est la loi qui prévaudra.
3 la possibilité dans les TPE où il n’y a pas de syndicats de mandater un salarié venu d’une autre entreprise pour négocier.
C’est difficile à dire, mais cette loi va dans la bonne direction, elle vise à renforcer le syndicat dans les entreprises en lui donnant des responsabilités. Un syndicalisme qui a bien besoin de se renforcer. Elle n’est pas parfaite. Les conditions de son élaboration sont mystérieuses. Mais dans le contexte de blocage actuel, je pense qu’on ne pouvait pas faire beaucoup mieux. Pour reprendre la déclaration du rapporteur :« C’est le compromis que nous revendiquons entre la souplesse nécessaire à la réussite des entreprises françaises, notamment les plus petites, et la sécurisation des salariés, dans une économie en constante mutation »…
L’esprit et la lettre, ou le diable gît dans les détails !
On ne pourrait qu’adhérer aux grands principes ici affichés si la réalité ne venait pas constamment les démentir : l’assurance accordée aux routiers sur la rémunération des heures supplémentaires vient démontrer qu’en France, nous avons l’assurance d’être tous égaux même si certains lobbies (les pigeons, les bonnets rouges, la FNSEA, les multinationales du secteur pharmaceutique, de l’agroalimentaire, de la chimie… la liste serait fort longue) le sont plus que d’autres, pour paraphraser Coluche !
Les rémunérations indécentes des patrons des grands groupes viennent souligner, s’il en était besoin, qui sort gagnant des réformes d’inspiration néolibérales et rappellent la saillie de Warren Buffet (« la lutte des classes est terminée et c’est la mienne qui a gagné »). Quid de la grande réforme fiscale qui viendrait rééquilibrer ?
Alors simplifier et faciliter la vie des petites et moyennes entreprises qui sont seules susceptibles d’embaucher oui, mais pourquoi toutes les mesures adoptées semblent surtout cibler et favoriser les très grosses pour lesquelles l’inscription citoyenne est une incongruité ? Pourquoi ne pas donner du temps au temps pour peaufiner, modéliser, négocier, expliciter cette remise en question qui ne va pas de soi, plutôt que de vouloir imposer avec arrogance, force coups de menton et mépris pour ceux qui éprouve les difficultés en première ligne ?
Derrière tout cela flotte un parfum d’improvisation, de manque de travail et de prise en compte de la réalité. Et le plus désespérant, c’est que les présidentielles qui se profilent vont vraisemblablement reprendre les mêmes recettes éculées : promesses démagogiques, absence de programme prospectif et reprise des antiennes démonétisées. Histoire de damner le pion à l’Autriche ?
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Nombreux à gauche, sont ceux qui plaident pour une « plus grande implication citoyenne » dans la société, pour le développement de la « démocratie participative », pour une utilisation plus fréquente du « référendum », il serait paradoxal que les mêmes freinent le dialogue social dans l’entreprise ! « Citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l’être aussi dans leur entreprise, et être acteurs du changement au sein de celle-ci » comme le dit la CGT de SFR.. .Si le cadre fixé pour ce dialogue dans l’entreprise, doit être amélioré faisons le , mais ne pas vouloir développer ces accords d’entreprises serait paradoxal !
Si être de gauche c’est être du côté des plus faibles, on ne peut mésestimer le déséquilibre du rapport de force dans les petites entreprises si l’on retire uniformément la protection de la hiérarchie des normes.
Cette rigidité conceptuelle était déjà le point faible de la loi sur les 35h : du pain béni pour les grosses structures qui y trouvaient souplesse et économies d’échelle, un handicap majoritairement vécu par les toutes petites qui auraient du bénéficier d’ un traitement différencié. Quand la rupture d’égalité s’avère nécessaire pour compenser une inégalité de fait.
On peut aussi penser que le dialogue social pourra plus aisément s’instaurer dans une start-up que dans une entreprise artisanale (et selon le secteur d’activité) déjà soumise à des distorsions de concurrence et qui risque de se trouver confrontée à un dumping accru.
Lorsque l’on constate que la motion A du congrès de Poitiers de juin 2015 prévoyait de rétablir la hiérarchie des normes, on peut logiquement s’interroger sur les modalités d’élaboration de cette loi et recommander la nécessité d’un stage ouvrier dans le cursus de cette technocratie hors-sol . Si le PS se préoccupe encore du vote ouvrier.
Quand j’entends Pierre Gattaz défendre l’article 2, cette image d’ouvriers en couches-culottes dans les entreprises de volailles aux USA (car interdits de pause pipi) revient me hanter…