Un récent rapport de France Stratégie a le mérite de montrer les limites du « tout formation » dans la lutte contre le chômage. Les politiques en faveur de la formation professionnelle se sont multipliées” au cours des dernières décennies, citant “les plans de formation des demandeurs d’emploi (plans 30.000, 100.000, 500.000), les préparations opérationnelles à l’emploi collectives ou individuelles (POE) ou encore les emplois d’avenir (EAV) pour les jeunes, qui intègrent une dimension de formation obligatoire.
Pourtant, le chômage se maintient à un “taux élevé, 9,5% en 2017 contre 7,9% de moyenne dans l’Union européenne” et le marché du travail se caractérise “par un nombre important d’offres d’emploi non pourvues et par des difficultés de recrutement pour les entreprises”, constate le rapport.
En France, “44% des travailleurs ont un niveau de diplôme qui ne correspond pas à l’emploi qu’ils occupent, 31% sont sur-qualifiés et 14% sont sous-qualifiés”, constate France Stratégie. Et “42% des travailleurs ont une spécialité de formation qui ne correspond pas à l’emploi qu’ils occupent”.
La formation est le premier critère de recrutement pour “seulement 46% des entreprises, contre 60% pour l’expérience professionnelle ou 64% pour des compétences transversales comme la polyvalence ou la capacité d’adaptation”, note le rapport.
Par ailleurs, le niveau moyen de qualification en France s’est nettement accru. “En 1982, 56 % de la population active était sans diplôme, contre 20 % en 2013”. A l’inverse, la part des diplômés de l’enseignement supérieur a plus que triplé, passant de 10,8% à 35% sur la même période.
Pour améliorer l’impact de la formation professionnelle en termes de retour à l’emploi et réduire les difficultés de recrutement, il importe de comprendre la manière dont les postes sont pourvus et de renforcer les capacités de recrutement des entreprises françaises. Ce rapport présente des pistes pour mieux prendre en compte cette dimension dans l’analyse des dysfonctionnements sur le marché du travail.
Le groupe de travail qui en est à l’origine avait pour objectif initial d’identifier les méthodes et les sources statistiques permettant d’appréhender les « modes d’alimentation » des métiers. L’accès à un emploi peut en effet s’opérer par des voies différentes – après une formation initiale ou continue, par exemple – ou bien privilégier certains profils – jeunes débutants, actifs expérimentés ou demandeurs d’emploi. Étudier ces chemins vers l’emploi permet d’éclairer la nature du lien entre formation et emploi, autrement qu’en terme d’adéquation entre la formation et l’emploi.
Il faut s’intéresser à l’autre bout de la chaîne, autrement dit aux modalités de recrutement des entreprises. Les pratiques de gestion de la main-d’œuvre lui sont en effet apparues comme un déterminant important des modes d’accès aux métiers. Or peu de travaux ont encore exploré cette voie.
Ce changement de point de vue modifie considérablement le regard porté sur la relation entre emploi et formation professionnelle.
Cependant, force est de constater que les plans massifs de formation et l’élévation du niveau de diplôme ont eu peu de prise sur le taux de chômage. Certains travaux considèrent même que les effets de ces plans sont nuls, quand ils ne conduisent pas à dégrader relativement la situation des profils les moins diplômés. La première partie du rapport passe en revue la littérature sur ce sujet.
Il convient par ailleurs de mettre en œuvre des politiques de formation différenciées, selon les secteurs ou les profils, comme l’expose la deuxième partie du rapport.
Le niveau et la spécialité de formation ne sont pas toujours le premier critère de recrutement des entreprises. Avec d’importantes variations selon les métiers, les secteurs ou les territoires, les entreprises tendent à privilégier l’expérience et la motivation comme indicateur de la capacité des candidats à satisfaire aux exigences d’un poste. Dès lors, les difficultés de recrutement ou les pénuries invoquées changent de visage : elles pourraient refléter non pas une inadéquation entre compétences détenues et compétences attendues mais plutôt les propres difficultés des employeurs à identifier la capacité des candidats. En améliorant en amont la gestion des ressources humaines, il deviendrait dès lors possible d’améliorer in fine l’impact de la formation sur le retour à l’emploi. Pour les pouvoirs publics, il deviendrait possible de mieux cibler les réponses aux besoins en ressources humaines des entreprises – qu’ils relèvent de la formation initiale ou continue, de dispositifs d’emploi ou d’appui et d’accompagnement.
Les acteurs institutionnels – les Régions, l’État, Pôle emploi, les partenaires sociaux – doivent sortir d’une logique « adéquationniste » axée sur le « tout formation ». Cela suppose aussi que le monde de l’entreprise prenne ses responsabilités dans l’identification de ses besoins en compétences. Certaines branches ont déjà commencé ce travail en mettant en place des outils d’accompagnement de leurs adhérents.
Commentaires récents