“A sept mois d’élections européennes décisives pour l’avenir de l’Union Européenne, il est encore temps pour la Chancelière d’apporter des réponses concrètes aux propositions de notre Président afin d’adresser un signal clair et fort, de nature à remobiliser l’opinion publique européenne, à l’échelle des 27. Le sommet européen de décembre 2018 pourrait être en effet le bon moment de reprendre l’initiative…
……Au moins dans trois domaines clés :
La réforme économique de la zone euro, déjà bien avancée, doit être poursuivie ; l’union bancaire doit être renforcée ; une politique budgétaire doit aussi être mise en place pour pallier les insuffisances actuelles du MES*. Les pratiques souvent opaques des banques (cf. le récent scandale de Goldman Sachs en Malaisie, le tourniquet d’évasion fiscale au bénéfice des actionnaires, mis en place par certaines banques et révélé par une courageuse journaliste allemande) la rendent encore plus nécessaire, car le péril d’une crise financière, semblable à celle de 2008, est toujours possible. Enfin, à l’échelle des 27, le vieillissement de la population européenne rend nécessaire l’immigration dans des secteurs sous tension de main d’œuvre (hôtellerie, BTP, transports, services à la personne), dans le respect de nos valeurs de libre circulation des personnes et d’accueil. Le règlement de Dublin doit donc être réformé car il crée un défaut de solidarité entre les pays d’accueil des demandeurs d’asile et les autres en Europe.
La construction d’une Europe de la défense est aussi une impérieuse nécessité dans un monde géopolitique devenu instable, marqué par la montée de la puissance chinoise, le retrait nationaliste américain sur fond de guerre commerciale, le Brexit, la menace toujours présente de la Russie. Or cela n’est pas gagné, car dans ce domaine, la discorde règne encore en Europe, malgré quelques avancées. Cela ne signifie pas une sortie de l’OTAN, mais un renforcement du pôle européen de défense dans le cadre de cette alliance. Une union des industries de défense européenne, est déjà actée depuis juillet 2017 par nos deux gouvernements en vue de créer des outils communs : char et avion de combat du futur, à l’horizon 2030/40 ; malgré les obstacles rencontrés, des équipes de Dassault et Airbus sont déjà à l’œuvre, par exemple, sur ce dernier projet. Mme Merkel a évoqué une future armée européenne devant le Parlement européen, le 13 novembre, tout en la situant prudemment dans une perspective à moyen terme. Ce sont des avancées qu’il faut souligner.
La construction d’une Europe de la souveraineté énergétique et numérique. La crise liée à la hausse du prix des carburants en France nous rappelle qu’il faut développer et financer à hauteur des enjeux (et seule l’Union est en capacité financière et scientifique de le faire) une recherche -développement sur les énergies alternatives au pétrole et les nouvelles mobilités. Il faudra aussi développer un nouvel urbanisme moins dévoreur d’espace et de distances. Pour le numérique, les start-up créatives sont légion en Europe, mais sont hélas souvent rachetées par les multinationales américaines (Skype, Dailymotion… les exemples abondent). Taxer les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) est une nécessité, mais cela ne suffira pas à faire émerger une puissante économie européenne dans ces domaines stratégiques pour notre influence, créatrice d’emplois et démultiplicatrice d’innovations ; il faut aussi mettre en place une formation professionnelle pour bien gérer les inégalités sociales et territoriales produites par le fossé numérique et accompagner les destructions – créatrices d’emplois. Protéger les hommes, les former et les relancer vers de nouvelles activités demande du temps et de la patience…
Si l’Allemagne et la France s’avèrent incapables de faire des propositions cohérentes et porteuses d’espoir, car fédératives sur ces sujets (en l’absence d’un Royaume – Uni rattrapé par ses démons, et d’une Italie bien mal en point), les opinions publiques se replieront sur les périmètres étatiques que leur vendent déjà des démagogues nationalistes en embuscade, ou déjà aux portes du pouvoir, animateurs de passions tristes et sans avenir. Ou se réfugieront dans l’abstention, ce qui n’est pas mieux. Et l’Union en sortira gravement compromise.
Affaiblis politiquement en interne, mais encore en place pour quelques années, il est urgent qu’indépendamment de tout petit calcul politicien, les dirigeants de nos deux nations, si différentes, mais si complémentaires à bien des égards, élaborent une feuille de route déjà esquissée au sommet de Merseberg de juin 2018 et porteuse d’espoir. Alors rendez-vous en Décembre 2018, au prochain sommet européen, ou en Janvier 2019 pour la signature du nouveau Traité de l’Elysée ?”
Charles MARECHAL, Secrétaire du Mouvement Européen 76,
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