Beaucoup d’anti-européens f se sont bruyamment réjouis du vote du Brexit : enfin les Britanniques montraient du courage ! Ils avaient tort, car c’était là peut être leur crépuscule.
Le Royaume-Uni a souvent été un frein à l’intégration européenne et à une politique ambitieuse dépassant la simple coopération économique. Il n’est pas le seul mais qu’il montre aux autres pays ce que c’est, finalement, de quitter l’Union, c’est un beau renforcement de l’intégration européenne.
On peut toujours gloser sur ce véritable « hold up démocratique » comme le rappelle « Sauvons l’Europe »: quelques pourcents pour le Brexit sur la base d’un tissu de mensonge , de rapports officiels sur les conséquences du Brexit non rendus publics , de pression sur les parlementaires qui oseraient s’y opposer. plus de la moitié des contributions à la campagne du Leave, près de 15 millions de livres, ont été versées par cinq personnes seulement (dont le trésorier du parti conservateur). C’est légal au Royaume-Uni, mais on peut s’interroger sur le sens d’une démocratie où cinq individus peuvent, à eux seuls, financer l’essentiel d’une campagne électorale. En toute rigueur, il faudrait y ajouter 250.000 livres dépensées par le DUP, parti unioniste d’Irlande du Nord désormais fameux, dont les donataires sont inconnus en raison de dispositions liées aux « événements » locaux : ce quart de million a été principalement consacré à l’achat de pages pro-leave dans Metro (qui n’est… pas distribué en Irlande du Nord !)
Des plans d’argumentaires ciblés selon des profils individuels collectés sur les réseaux sociaux, à l’époque où Facebook autorisait encore cette pratique., ont eté mis en place. L’essentiel de cette campagne ne visait pas à convaincre des électeurs, mais à motiver les Leavers probables et à pousser les Remainers probables à l’abstention en les bombardant de nouvelles démoralisantes sur le système politique britannique. L’incroyable taux d’abstention des jeunes, très majoritairement pro-européens et grands consommateurs de réseaux sociaux, montre que cette stratégie a eu un impact réel. Steve Bannon, devenu ensuite conseiller spécial de Trump à la Maison Blanche, a été porteur de cette campagne.
Pour les plus farouches partisans du Brexit, l’idée implicite, et parfois explicite, est de transformer le Royaume-Uni en un paradis fiscal et financier aux portes de l’Union, comme une sorte d’énorme Hong-Kong .
Il a abouti à une décision de sortie de l’Union européenne, que le gouvernement de sa Majesté était prié de mettre en œuvre. Beau résultat d’une manœuvre purement politicienne du précédent gouvernement de Londres.
Le Brexit sonne ,je l’espère, la fin des illusions sur ce qu’est la sortie de tout pays de l’Union européenne. Les slogans sur la sortie de l’Union européenne sont une imposture, car ils ne disent pas pour quoi faire, souligne Sauvons l’Europe.
Les anti-européens de droite et de gauche ne peuvent plus faire la même chose, et « take back control » est un mot d’ordre séduisant mais absolument vide. La sortie de l’Euro alimente les librairies à flux continu, mais tous les pays développés pratiquent la même politique monétaire que l’Euro. Alors pourquoi sortir, sauf pour se lancer dans une aventure jusqu’ici uniquement tentée par de rares pays en cours de développement ?
Le dernier carré des tenants d’une sortie dans n’importe quelles conditions n’ont plus d’autre élément de langage que le caractère sacré et inaltérable de l’expression du peuple, là encore vide de sens.
Ils refusent par principe une nouvelle consultation des citoyens quelles que soient les difficultés apparues depuis le vote initial. A ce compte de déni des réalités, il n’y avait pas à revenir sur le référendum britannique de 1975 ayant acté le maintien dans l’Union. L’hostilité aux étrangers et la liberté de conclure des accords commerciaux propres, ne peuvent plus tenir lieux d’arguments.
La classe politique britannique est désormais au pied du mur. Dans deux mois, la sortie intervient et aucune solution possible ne recueille une majorité quelconque. De manière intéressante, le parti gallois Plaid Cymru a proposé un nouveau vote de la Chambre des communes sur l’ensemble des options, avec des tours successifs d’élimination des possibilités les moins consensuelles pour dégager la voie la moins mal partagée. Le Labour exige comme prix de sa participation aux discussions que le No Deal en soit strictement exclu, mais néglige de faire une proposition. Le recours à un second référendum (entre quoi et quoi??) est également évoqué alors que le Remain est désormais clairement majoritaire dans l’opinion, mais on commence surtout à s’accorder sur un report de la date de sortie pour permettre aux britanniques de poursuivre leur débat national sur ce qu’ils souhaitent faire ensemble. On ne peut s’empêcher de songer que ce débat était un préalable au choix du départ.
Cette évolution n’est pas close dans le vase britannique. Elle touche la quasi-totalité des forces populistes européennes. La sortie de l’Europe n’apparait plus comme un programme, les opinions publiques ont partout resserré les rangs autour de l’appartenance européenne.
Jean-Luc Mélenchon, il y’a deux ans, prévoyait des référendums en veux-tu en voilà. Aujourd’hui, il écarte de ses listes tous les souverainistes. Alexis Tsipras parade au bras d’Angela Merkel et Matteo Salvini vante à présent ses négociations européennes. Et l’ex Front National, dont la sortie de l’Euro était depuis dix ans le coeur de la politique économique, vire brutalement sa cuti et se félicite d’une Europe qui lui permet de travailler avec Salvini.
Pour un pays européen membre de l’UE, voire les autres membres comme des ennemis est totalement hors sujet, tant en raison de notre longue histoire de guerres fratricides dont personne ne veut plus, qu’en raison de la politique européenne, qui est un débat démocratique (de plus en plus vivant, il faut le remarquer, par rapport à il y a quelques années…) et pas du tout un affrontement entre ennemis
La sortie de l’Europe n’apparait bien que comme le fantasme d’une autre politique tellement plus belle, tellement plus grande, mais qui n’existe nulle part. Il aura suffi qu’un pays le premier viole ce rêve et tente d’en cueillir la fleur pour qu’elle s’effeuille dans sa main et la laisse vide, à la vue de tous.
Enfin l’histoire du Brexit donne aussi l’occasion de se demander si le referendum est vraiment le must de la démocratie participative. Un système où l’on répond oui ou non à une question complexe où l’électeur ignore les conséquences précises de chacune des deux possibilités est un système dont on voit mal ce qu’il a d’hyper démocratique.
Commentaires récents