Le “jour de libération fiscale” ou “Les Français travaillent-ils sept mois pour l’Etat ?”

Cette idée de calculer le "jour de libération fiscale", reprise par certains médias ou cercles intellectuels, s'inspire d'une proposition de l'économiste ultralibéral Milton Friedman qui en 1974, avait proposé d’instaurer « une nouvelle fête nationale, le Jour de l’Indépendance personnelle, le jour de l’année où nous cessons de travailler pour payer les dépenses du gouvernement".

Pour savoir quand tombe ce jour fatidique, les uns multiplient la part des dépenses publiques dans le produit intérieur brut (PIB) par le nombre de jours dans l'année. Les autres rapportent le poids des cotisations sociales, de l'impôt sur le revenu et de la TVA à la somme du salaire net et des cotisations payées par les employeurs et les salariés. Cela donne selon la formule le 26 ou le 28 juillet.

Contribuables associés écrit ainsi : « Plus de la moitié du revenu moyen des Français est donc dépensé par des élus bien souvent clientélistes et une bureaucratie de plus en plus inefficace… Le 29 juillet marque le jour à partir duquel les Français deviennent, en moyenne, enfin libres du joug de la bureaucratie ».
Et le Figaro de relayer: « chacun d’entre nous passe en moyenne sept mois à ne travailler que pour remplir les poches de l’Etat ».

Sauf que ce raisonnement simpliste n'a strictement aucun sens, comme le rappelle fort opportunément l'économiste Henri Sterdyniak, de l'OFCE dans un article : "Pour qui travaillons-nous ? Variations sur un thème de Milton Friedman".

D’abord l’Etat (sous ses multiples aspects) est un producteur. En 2012, 18 % du PIB français est produit par les administrations. L’enseignante, l’infirmier, l’aide-soignante, les gardes maternelles, l’éboueur… fournissent des services aux ménages. Il en est de même des voiries. Si ceux-ci n’étaient pas fournis par l’Etat, les collectivités locales ou les hôpitaux, les ménages devraient les payer.

Ensuite une partie importante des dépenses publiques sont des transferts aux ménages, que les bénéficiaires dépensent à leur guise, qu’ils s’agissent des retraites, des prestations familiales, des indemnités maladie-maternité-chômage, du revenu de solidarité active, etc. Quand bien même un salarié travaille deux mois par an pour payer ses cotisations retraites, celles-ci ne vont pas nourrir une quelconque bureaucratie ou remplir de prétendues poches publiques : elles sont immédiatement reversées à ses parents ou grands-parents et ouvrent des droits à la retraite

Enfin, le système fiscal français est redistributif. Un ménage avec deux enfants qui touche un Smic a un taux d'imposition très faible : 0,6 % (en prenant en compte les prestations reçues, l'impôt sur le revenu, la TVA et les cotisations sociales). Le même ménage qui gagne 10 fois le Smic paie, en revanche, 34,6 % d'impôts. « Le pseudo "jour de libération fiscale" ne tombe donc (heureusement) pas au même moment pour les deux…» ironise Laurent Jeanneau
dans Alternatives Economiques de septembre 2013

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Selon Henri Sterdyniak, les dépenses publiques représentaient l'équivalent de 211 jours de travail en 2011. 90 étaient immédiatement reversées aux ménages sous forme de prestations sociales, 77 leur profitaient directement (éducation, santé, culture, logement, environnement, police et justice). Seuls 44 jours de travail sont nécessaires pour le fonctionnement interne des administrations et pour financer la dette publique, la défense et le soutien aux entreprises.

Certes, les dépenses publiques doivent être gérées avec rigueur, mais elles sont indispensables. Si la France a plus de dépenses publiques que la plupart des pays de l’OCDE, ce n’est pas que le fonctionnement de son administration soit plus coûteux mais qu’elle a choisi d’avoir un système de protection sociale

« Prétendre que nous travaillons sept mois pour l’Etat n’a-t-il aucun sens. La France a choisi d’être une société mixte, le marché y a sa place, mais une partie importante des dépenses des ménages est socialement assurée, sur la base des besoins de chacun, et non de ses ressources », conclut avec raison Henri Sterdyniak

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