Peut-on encore réformer l’école ? à quelles conditions ?

prost écoleDepuis la Libération, les réformes n’ont pas manqué au sein de l’Éducation nationale : plan Langevin-Wallon de 1947, loi Debré de 1959 sur les établissements privés, loi Faure sur les universités en 1968, loi Savary de 1984, etc. Pourquoi, aujourd’hui, cette impression d’immobilisme ? Entre l’école et la réforme, c’est un peu « Je t’aime, moi non plus ».

C’est à ces questions auxquelles tentent de répondre Antoine Prost, dans son ouvrage « Du changement dans l’école. Les réformes de l’éducation de 1936 à nos jours, Seuil, et dont Ismaïl Ferhat nous fait une analyse intéressante pour la Vie des idées.

Parmi les figures de style qui structurent les débats sur l’Éducation nationale, trois connaissent un succès qui ne se dément pas. La première d’entre elles, la « crise de l’école », s’est imposée comme un fait.

Deuxième figure de style : l’archaïsme et l’immobilisme. Depuis les années 1980, ces thèmes offrent une image aussi accusatoire que populaire. Le « mammouth », selon la formule prêtée au ministre Claude Allègre, fait bon ménage avec le « bonheur qu’on assassine » dans les classes, selon le journaliste François de Closets.

Troisième thème, qui découle des deux précédents : la nécessité de « réformer l’école». Ce mot d’ordre fait consensus dans tout le spectre politique et intellectuel. Pas une campagne électorale, pas une grande déclaration publique, pas une prospective sans un rappel de la nécessité de transformer le système éducatif.

Ce n’est pas un hasard si Antoine Prost revient dans son ouvrage, Du changement dans l’école, sur la scansion des transformations scolaires. Historien aussi réputé du politique que du système éducatif, il relie deux champs qui sont intimement liés. Son ouvrage se présente dans un ordre chronologique (avec une introduction et une conclusion substantielles), mais avec des chapitres éclairant certains moments de réforme. Ceux-ci s’échelonnent des ministères de Jean Zay (1936-1939) à celui de François Fillon (2004-2005).

Pour Antoine Prost, la réforme de l’école suppose une conjonction de la demande sociale, des acteurs éducatifs et du champ politique. Or une telle situation tend à se raréfier. Dans une société française qui entretient un rapport obsessionnel à l’institution scolaire, ce consensus est difficile à obtenir . Il l’est d’autant plus que, depuis 1995, l’arrêt de l’expansion scolaire (stagnation de l’accès au baccalauréat) tend à durcir les oppositions entre les acteurs du système éducatif . Enfin, non seulement les attentes quant à l’école s’accroissent et s’avivent, mais elles sont contradictoires : mixité sociale et libre choix, sanctuarisation et ouverture, autonomie et crainte d’un système à plusieurs vitesses.

Pour reprendre une métaphore aquatique, à force de charger la réforme scolaire de demandes et d’espoirs innombrables, ne la condamne-t-on pas à prendre l’eau ?

 

 

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