Le recours au 49-3 par le Premier Ministre a donné lieu à bien des commentaires : « Sorte de coup d’Etat », pour Christian Estrosi ; François Hollande, alors premier secrétaire du Parti socialiste déclarait lui-même en 2006 : « Le 49.3 est une brutalité. Le 49.3 est un déni de démocratie. ». Qu’en est-il vraiment, de cet outil inscrit dans notre constitution ?
Cet usage n’est pas nouveau : On compte 84 usages de cet article depuis 1958, 32 par un chef de gouvernement de droite et 52 de gauche.
Les premiers ministres de François Mitterrand ont tous eu recours à l’article 49-3.
Lors du premier septennat, malgré une forte majorité,Pierre Mauroy y a recourt 7 fois, et Laurent Fabius 4 fois
Lors du second septennat l’usage est plus fréquent, mais il est vrai que la majorité n’y est que relative : Pierre Bérégovoy l’utilise trois fois, Edith Cresson huit fois et Michel Rocard vingt-huit fois
L’article 49.3 fait partie du « Titre V » de la Constitution de 1958. Ce chapitre, qui s’étend des articles 34 à 51, met en place un ensemble de dispositions censées réguler les « rapports entre le Parlement et le gouvernement ». Parmi ceux-ci, donc, le fameux 49.3, qui dispose que:
« Le premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session. »
Concrètement, le conseil des ministres peut décider seul de l’adoption d’une loi sans passer par le Parlement, mais seulement une fois par session parlementaire pour un autre projet de loi.
Le 49.3 est utilisé lorsque les débats s’enlisent à l’Assemblée nationale ou que le gouvernement veut faire passer une loi dans l’urgence. C’est, en somme, un recours ultime pour le gouvernement face à l’hésitation des députés, ou face à une coalition hétéroclyte d’opposants.
Ce peut être perçu comme un aveu de faiblesse face au Parlement, et un outil pour affirmer la primauté de l’exécutif, un moyen de faire adopter un texte malgré les hésitations du parlement, et la lenteur des prises de décision , connues sous la IVe République.
Mais le parlement n’est pas démunie face à cet usage. L’article 49-3 « engage la responsabilité du gouvernement », et l’Assemblée peut s’y opposer en adoptant une motion de censure.
Cette motion de censure doit être déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent le recours au 49.3 et doit être signée par au moins un dixième des membres de l’Assemblée nationale, soit cinquante-huit députés. Seuls les votes en faveur de la motion sont comptabilisés lors du scrutin. Pour être adoptée, la motion doit recueillir une majorité d’approbation, soit le vote de deux cent quatre-vingt-neuf députés.
Une telle motion de censure adoptée, renverserait le gouvernement. Celui-ci devrait alors démissionner et le texte serait rejeté. Dans les faits, jamais l’utilisation du 49.3 n’a abouti à cette situation, et une majorité d’oppositions ne crée pas une majorité de gouvernement !
Tout est affaire de circonstance : cet article est inscrit dans notre constitution ; ceux qui le critiquent sont souvent hostiles (hostilités parfois contradictoires) à la loi elle-même, plus qu’à l’article lui-même, car depuis 1958, aucune majorité ne s’est préoccupée de le supprimer ! Le 49-3, dans l’opposition ,on le critique, et au pouvoir , on l’utilise !
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