Juin 23

Que doit on apprendre à l’école ? la question des savoirs

01ecoles_etablissement_1_Les enquêtes internationales le démontrent : le niveau moyen des performances scolaires des élèves français est médiocre et n’évolue pas favorablement. Les inégalités sociales de réussite scolaire sont importantes et ne se réduisent pas. Il est donc toujours aussi urgent de réfléchir à la question des savoirs scolaires. C’est ce à quoi entend contribuer ce rapport de Terra Nova.

Ce rapport ne cherche pas à proposer une nouvelle réforme. Le large débat autour de la réforme du collège a bien mis en évidence les blocages de la réflexion sur la question des programmes et le risque d’éparpillement des controverses. Puisque cette réforme est en cours, il nous semble opportun d’accompagner sa mise en place, d’encourager la responsabilité des acteurs et de déjouer quelques préjugés.

Il est en effet particulièrement étrange et paradoxal que l’école, institution consacrée au savoir et à la transmission des connaissances, parvienne si mal à traiter de la question des contenus de ce qu’elle enseigne, surtout dans un contexte de révolution technologique, d’intensification et d’élargissement des échanges, et de nouvelles opportunités économiques où la maîtrise des savoirs est perçue comme une nécessité.

Or, on fait trop souvent mine de l’ignorer, les savoirs scolaires ont une histoire. Leur installation dans les horaires des élèves sont le fruit d’une succession de rapports de force et de compromis. Les disciplines ne reflètent donc pas de manière simple les « savoirs savants », comme un quasi-décalque : elles se sont installées progressivement à l’école, en fonction de leur aptitude à servir de support aux apprentissages fondamentaux et d’approfondissement. Désintéressées, parce qu’elles sont soustraites aux contingences mondaines, elles s’emploient aussi à former de jeunes esprits qui auront une vie professionnelle et civique qui demande, aujourd’hui plus que jamais, un équipement pratique et intellectuel. Enfin, les disciplines, au-delà de leur ancrage historique et de leurs finalités pédagogiques propres, souffrent toujours de cet écart entre les programmes tels qu’ils sont prévus, les cours qui sont enseignés et ce qui est, au bout du compte, véritablement appris par les élèves.

C’est pourquoi, on ne parle plus seulement aujourd’hui de « programmes » mais plus largement de « curriculum », en prenant en compte non seulement les connaissances transmises par l’enseignant mais l’appropriation de celles-ci par les élèves, ce qu’on appelle les compétences. En ce sens, les programmes concernent aussi la place et la réussite des élèves à l’école, les modes d’évaluation et les procédures de recrutement des enseignants puisqu’il ne s’agit plus seulement de demander aux enseignants de se conformer à une liste de prescriptions, mais de viser l’assimilation de compétences par les élèves qui leur sont confiés.

L’objet de ce rapport est donc de dépasser les blocages observés lors du dernier débat sur ce que l’école enseigne et de défendre une appropriation beaucoup plus profonde de cette question par tous les acteurs de l’éducation, et en premier lieu par les enseignants. En effet, le système éducatif français, parce qu’il est encore extrêmement centralisé, a en ces domaines un effet déresponsabilisant sur les acteurs. La France fait coexister à la fois un texte élaboré au niveau national d’inspiration curriculaire (le socle commun) et des programmes d’enseignement uniformes et extrêmement détaillés, élaborés, eux aussi, au niveau national, ce qui nous distingue de pays comme l’Angleterre, l’Espagne, la Finlande, l’Italie ou encore la Suède.

Le véritable enjeu de la transmission est de donner la possibilité aux élèves de s’approprier les savoirs dispensés. C’est bien l’objectif de l’approche du socle commun qui vise des compétences acquises. Les programmes nationaux ne sont donc qu’un instrument, qui doit faire l’objet d’une appropriation par les équipes pédagogiques, chacune en fonction de la situation qu’elles rencontrent localement. Cela ne veut pas dire d’adapter à la baisse les ambitions scolaires mais de travailler en gardant en vue les finalités de l’école. Les initiatives pédagogiques allant dans ce sens sont déjà nombreuses, elles trouveront dans les nouveaux textes un soutien à leur pratique.

Le temps presse. Les enquêtes internationales le démontrent, le niveau moyen des performances scolaires des élèves est médiocre et n’évolue pas favorablement. En outre, les inégalités sociales de réussite scolaire sont importantes et ne se réduisent pas : les élèves issus d’un milieu défavorisé sont moins impliqués, moins attachés à leur école, moins persévérants, plus anxieux que la moyenne des élèves de l’OCDE. Entre 20 et 30 % des élèves d’une classe d’âge arrivent en fin de scolarité obligatoire avec des savoirs insuffisants, qui compromettent aussi bien leurs chances de vivre de façon autonome que d’acquérir des compétences professionnelles.

Les propositions de ce rapport visent à construire des priorités et des corrélations nouvelles, qui manquent la plupart du temps aux politiques éducatives. Il s’agit notamment de faire de l’apprentissage des méthodes pour apprendre un objet d’enseignement explicite ; d’offrir aux élèves le choix de certains enseignements et la chance d’améliorer la maîtrise des langues ; de permettre de mieux comprendre et connaître l’histoire des disciplines ; d’ouvrir les enseignements sur la vie quotidienne ; de faire évoluer les modes d’évaluation ; de renforcer l’autonomie du Conseil supérieur des programmes ou encore de repenser l’identité professionnelle, la formation et le travail collectif des enseignants en matière de contenus.

Notre rapport propose des voies pour dépasser les oppositions binaires opposant les compétences aux savoirs, les disciplines aux transversalités ou les notes à des validations. Le rôle actuel de l’éducation est si complexe qu’il exige souvent d’inventer des cohabitations et d’imaginer des articulations entre contraires apparents. Ce travail souhaite contribuer à ces gestes et à cette ambition.

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