Avant même d’être décidée, l’utilisation des ordonnances est critiquée, depuis qu’Emmanuel Macron l’a évoquée pendant la campagne, à propos de la réforme du code du travail . Mais sait-on de quoi il s’agit ?
Dans le droit français, le gouvernement est habilité à prononcer des décrets, tandis que l’assemblée nationale et le Sénat signent des lois, qui ont toujours une valeur supérieure aux décrets. Mais l’article 38 de la Constitution ouvre la possibilité que le Parlement, s’il donne son accord préalable, puisse déléguer son pouvoir législatif au gouvernement dans un temps limité et sur un sujet précis. Ce dispositif permet d’aller vite, en évitant les discussions, les modifications de textes et les navettes entre l’Assemblée et le Sénat.
Le Gouvernement peut demander au parlement, l’autorisation de prendre lui-même des mesures relevant normalement du domaine de la loi afin de mettre en œuvre son programme (art. 38 de la Constitution). L’autorisation lui est donnée par le vote d’une loi d’habilitation. Ces actes sont appelés des ordonnances. Elles ne sont pas inconnues de l’histoire constitutionnelle, car elles existaient déjà sous les IIIe et IVe Républiques sous le nom de décrets-lois.
Les ordonnances sont prises en conseil des ministres et doivent être signées par le président de la République.
Les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication. Mais un Projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement. Si ce projet n’est pas déposé avant la date fixée par la loi d’habilitation, les ordonnances deviennent caduques.
Une fois ce projet déposé, soit l’ordonnance est approuvée (ratifiée) par le Parlement et acquiert la valeur de loi, soit elle n’est pas ratifiée et conserve une valeur simplement réglementaire (inférieure à la loi), constituant alors un acte administratif unilatéral.
Depuis le début de la Ve République, les gouvernements ont souvent recouru à la procédure des ordonnances pour des sujets très techniques ou des réformes très délicates. On peut ainsi donner l’exemple des « ordonnances Juppé » de 1996 ayant conduit à une importante modification du système de Sécurité sociale français. Le nombre d’ordonnances adoptées sur le fondement de l’article 38 de la Constitution est toutefois en forte augmentation depuis le début des années 2000. Cette augmentation est en partie liée à la nécessité de mieux assurer la transposition en droit français des directives prises par l’Union européenne
Si de 1960 à 2000, seules 262 ordonnances ont été édictées, de 2000 à 2013, elles étaient 371, soit environ 35 ordonnances par an. Bien sûr, la plupart transposent des directives communautaires ou codifient des pans du droit technique sans les bouleverser. Cependant, la technique est en pratique bien rodée et banalisée.
Cette méthode permet de réduire considérablement le temps législatif là où une loi met en moyenne deux ans avant d’entrer en vigueur. Les joies de la navette parlementaire aidant, 5 mois sont en moyenne nécessaires (selon les statistiques du Sénat) pour qu’une loi soit adoptée. Une moyenne honorable, mais une loi ambitieuse, elle, est systématiquement étudiée et débattue pendant plus d’un an au Parlement avant d’entrer en vigueur.
Rappelons que l’article L1 du code du travail issu de la loi Larcher du 31 janvier 2007 sur le dialogue social, impose néanmoins une concertation préalable à toute ordonnance, avec les partenaires sociaux. Cette disposition est inspire de l’article 154 du traité de Lisbonne pourtant décrié « tout projet de réforme envisagé par le gouvernement …fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs ».
Enfin les ordonnances ont été largement utilisées par le passé, à l’occasion de certaines grandes réformes, comme en 1981 sous Mitterrand-Mauroy, notamment pour les 39 heures ou la retraite à 60 ans. Des réformes pas particulièrement anodines !
4 Commentaires
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Décidément le vieux monde a la vie dure ! Le vote-barrage impératif à l’extrême droite s’est déjà transformé pour Christophe Castaner en adhésion de principe aux ordonnances incluses dans le programme du candidat. Si le recours aux ordonnances ne pose pas problème en cas de consensus et permet effectivement de gagner du temps, il en va pas de même lorsque le sujet divise autant. J’aurais pensé qu’après la palinodie Fillon, tout ce qui est légal n’est pas forcément moralement adéquat et majoritairement plébiscité. Quid de la moralisation de la vie publique si la communication gouvernementale emprunte autant à la rhétorique en faux-semblant du Medef (l’entreprise citoyenne, le « million d’emplois », etc…) ?
Je partage le point de vue de “décroissant “. J’ai entendu moi aussi monsieur Castaner dire que le vote majoritaire “Macron ” au second tour valait adhésion à son propos… pour éviter les ordonnances il aurait donc fallu voter Le Pen. Cette attitude est scandaleuse. J’espère que tu en conviendras Dominique
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je ne sais pas ce qu’a dit Castaner ni dans quel contexte il l’a dit : ce que je sais c’est que les 66% qui ont voté Macron au second tour n’adhère pas tous à son projet évidemment ; je sais aussi qu’il est arrivé en tête au premier tour et que c’est donc son projet qui doit être mis en œuvre : il n’y a pas d’alternative sauf la somme des “contre” dans leur extrême diversité, mais cela ne fait pas une majorité comme le faisaient croire les frondeurs en appelant la droite à voter leur motion de censure !!!! ; il faut maintenant une majorité au parlement! je sais aussi que les frondeurs n’auront de cesse que lui mettre des bâtons dans les roues! quand aux ordonnances c’est une procédure classique dont l’usage est parfaitement codifié par la loi, c’est ce que je rappelle ici!
Si j’ai bien compris, il faudra une majorité présidentielle au parlement pour habiliter par une loi le gouvernement à prendre une ordonnance ! Puis ce dit parlement doit encore ratifier le texte ! Faudra-t-il encore que cette majorité existe. Ce qui n’est pas gagné d’avance. Je comprends aussi que sans cette majorité l’ordonnance est tout de même applicable
Mais modifier le code du travail n’est pas un acte anodin ; que les représentants élus des citoyens soit en partie écartés des débats et de la décision finale pose le devenir de notre République .