Mai 23

Agir par ordonnances ! mais de quoi s’agit il ?

Avant même d’être décidée, l’utilisation des ordonnances est critiquée, depuis qu’Emmanuel Macron l’a évoquée pendant la campagne, à propos de la réforme du code du travail . Mais sait-on de quoi il s’agit ?

Dans le droit français, le gouvernement est habilité à prononcer des décrets, tandis que l’assemblée nationale et le Sénat signent des lois, qui ont toujours une valeur supérieure aux décrets. Mais l’article 38 de la Constitution ouvre la possibilité que le Parlement, s’il donne son accord préalable, puisse déléguer son pouvoir législatif au gouvernement dans un temps limité et sur un sujet précis. Ce dispositif permet d’aller vite, en évitant les discussions, les modifications de textes et les navettes entre l’Assemblée et le Sénat.

Le Gouvernement  peut demander au parlement, l’autorisation de prendre lui-même des mesures relevant normalement du domaine de la loi afin de mettre en œuvre son programme (art. 38 de la Constitution). L’autorisation lui est donnée par le vote d’une loi d’habilitation. Ces actes sont appelés des ordonnances. Elles ne sont pas inconnues de l’histoire constitutionnelle, car elles existaient déjà sous les IIIe et IVe Républiques sous le nom de décrets-lois.

Les ordonnances sont prises en conseil des ministres et doivent être signées par le président de la République.

Les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication. Mais un Projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement. Si ce projet n’est pas déposé avant la date fixée par la loi d’habilitation, les ordonnances deviennent caduques.

Une fois ce projet déposé, soit l’ordonnance est approuvée (ratifiée) par le Parlement et acquiert la valeur de loi, soit elle n’est pas ratifiée et conserve une valeur simplement réglementaire (inférieure à la loi), constituant alors un acte administratif unilatéral.

Depuis le début de la Ve République, les gouvernements ont souvent recouru à la procédure des ordonnances pour des sujets très techniques ou des réformes très délicates. On peut ainsi donner l’exemple des « ordonnances Juppé » de 1996 ayant conduit à une importante modification du système de Sécurité sociale français. Le nombre d’ordonnances adoptées sur le fondement de l’article 38 de la Constitution est toutefois en forte augmentation depuis le début des années 2000. Cette augmentation est en partie liée à la nécessité de mieux assurer la transposition en droit français des directives prises par l’Union européenne

Si de 1960 à 2000, seules 262 ordonnances ont été édictées, de 2000 à 2013, elles étaient 371, soit environ 35 ordonnances par an. Bien sûr, la plupart transposent des directives communautaires ou codifient des pans du droit technique sans les bouleverser. Cependant, la technique est en pratique bien rodée et banalisée.

Cette méthode permet de réduire considérablement le temps législatif là où une loi met en moyenne deux ans avant d’entrer en vigueur. Les joies de la navette parlementaire aidant, 5 mois sont en moyenne nécessaires (selon les statistiques du Sénat) pour qu’une loi soit adoptée. Une moyenne honorable, mais une loi ambitieuse, elle, est systématiquement étudiée et débattue pendant plus d’un an au Parlement avant d’entrer en vigueur.

Rappelons que l’article L1 du code du travail issu de la loi Larcher du 31 janvier 2007 sur le dialogue social, impose néanmoins une concertation préalable à toute ordonnance, avec les partenaires sociaux. Cette disposition est inspire de l’article 154 du traité de Lisbonne pourtant décrié «  tout projet de réforme envisagé par le gouvernement …fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs ».

Enfin les ordonnances ont été largement utilisées par le passé, à l’occasion de certaines grandes réformes, comme en 1981 sous Mitterrand-Mauroy, notamment pour les 39 heures ou la retraite à 60 ans. Des réformes pas particulièrement anodines !

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