La géographie peut-elle aider à mieux définir ce qu’est la citoyenneté ?

Le livre “Géographie et citoyenneté” (édition universitaire européenne) de Yves Guermond, longtemps Professeur à l’université de Rouen, est un ouvrage à lire!!!

C’est à la fois une synthèse sur ce qu’est la discipline géographique et ses évolutions, mais aussi sur les différents niveaux de citoyenneté, qui n’est plus seulement à l’heure de la mondialisation, comme dans les cités grecques, la qualité de celui qui a “droit de cité”, qui n’est pas le civisme pas plus que la défense de ses intérêts personnels !

En soulignant l’importance des réseaux plus que des limites géographiques des territoires, j’y retrouve avec bonheur certaines de mes réflexions comme économiste, sur des sujets aussi différents par exemple que les fusions de régions, ou que le fonctionnement des marchés locaux du travail !

Les questionnements sur la nature de la recherche en sciences sociales, ou sur ce qu’est la citoyenneté sont particulièrement pertinents, et Yves Guermond n’hésite pas à regretter que les géographes soient trop souvent, plus des ” conseillers du pouvoir que des acteurs citoyens “. Il ne faut pas confondre ce qui relève de la science et ce qui relève de la politique, et les croiser permet justement de dégager plus facilement les vrais leviers d’action, en ne confondant pas le certain et l’incertain.

La citoyenneté comme “participation à la vie d’une cellule territoriale” n’est pas seulement individuelle, elle est aussi une construction de l’intérêt général ! si non elle risque de devenir sa propre défense individuelle, ce que l’on retrouve trop souvent dans les débats publics.

Un regret à ce stade, c’est que les réflexions sur les sciences sociales ne soient pas plus orientées sur l’évaluation plurielle des politiques publiques.

Mais une des questions les plus sensibles que pose Yves Guermond , est celle de l’organisation de la citoyenneté du monde. La démocratie a d’abord été celle de la cité, puis celle de la nation, mais elle peine à s’organiser à l’échelle du monde. Le système de juxtaposition d’états nations ne risque-t-il pas d’être remis en cause, ou perturbé par des réseaux hétérogènes qui les dépassent, où l’absence de normes et de valeurs communes rend difficile une construction démocratique.

Revenant sur la place des réseaux face aux territoires, Yves Guermond s’interroge ainsi sur comment construire la démocratie des réseaux : comment relier les uns aux autres, comment lier les réseaux de discussion et les réseaux de décision ?

Dans un monde global, l’action locale retrouve une place de premier plan, mais là encore l’individu appartient à des niveaux territoriaux, interdépendants et non plus juxtaposés et dont la cohérence démocratique reste à construire : il suffit par exemple de voir les difficultés à construire aujourd’hui un pacte de confiance entre l’Etat et les communes. Le repli sur une multitude de “petits mondes” comme les appelle Yves Guermond , après l’idéalisation de “l’universalisme”, risque bien dès lors de limiter l’action politique  à une échelle nationale.

Ce regard sur la géographie, à travers le prisme de la citoyenneté, est stimulant à la fois sur la nature de la recherche en science sociale (ici la géographie), mais aussi sur ce qu’est la citoyenneté. À lire absolument pour ceux qui croient encore à l’utilité de la politique, du citoyen et du débat public !

Enfin dégagé de tout vocabulaire pour initiés, relativement court (une centaine de pages) malgré la complexité du sujet, c’est un ouvrage qui n’en est que plus agréable à lire !!

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