Les jeunes subissent plus durement la crise, quant à leurs revenus

Toutes les catégories de population ne subissent pas la crise de la même façon. Les inégalités de revenus s’accroissent entre les plus riches et les plus pauvres, mais aussi entre groupes d’âges. Au cours des dix dernières années connues (2003-2013), les calculs du centre d’observation de la société montrent que le niveau de vie des 18-29 ans a stagné autour de 20 000 euros (1 700 euros mensuels) après impôts et prestations sociales.

 Pendant ce temps, le niveau de vie moyen annuel de l’ensemble de la population a augmenté de plus de 1 000 euros (un gain de 5 %) et celui des 60-69 ans de plus de 3 000 euros (+ 13 %).

Ces données minimisent les écarts pour deux grandes raisons. Premièrement, au cours des dix dernières années, le niveau de qualification des plus jeunes a continué à progresser, même si le rythme est moins soutenu qu’auparavant. Cet investissement éducatif ne semble avoir aucun effet, au moins en début de carrière : une partie de la jeunesse est déclassée.

Deuxièmement, les plus jeunes subissent les effets de la hausse des prix du logement et en particulier des loyers : l’écart des niveaux de vie serait bien plus grand si l’on déduisait les charges de logement, notamment pour les jeunes qui vivent au sein des grandes villes. Une partie des plus âgés, propriétaires-bailleurs, détourne à son profit une partie de la croissance des niveaux de vie.

Plusieurs raisons peuvent expliquer la hausse des inégalités entre les jeunes et les plus anciens. Tout d’abord, les 60-69 ans de 2013 sont nés au plus tard au milieu des années 1950. Ce sont les dernières générations d’avant crise, celles qui sont passées juste au bon moment. Parmi elles, le taux d’activité féminin a nettement progressé : de plus en plus de femmes arrivent à l’âge de la retraite avec des carrières complètes (ou moins incomplètes), ce qui joue sur leurs revenus. Ce n’est que pour ceux qui vont arriver ensuite que l’on pourra voir un effet sensible du chômage et de la précarité sur les niveaux de vie.

Inversement, les 18-29 ans de 2013 s’insèrent en pleine morosité économique – la croissance est lente depuis 2001 – et qui le paient par des salaires très faibles, du fait d’un rapport de force particulièrement dégradé sur le marché du travail. Dans une période de vaches maigres, chacun défend ses intérêts bec et ongles. A ce jeu, malheur au plus faible, dont les jeunes.

Cette situation a des conséquences concrètes en termes d’accès à la consommation et au logement. Quand les plus âgés vivent dans leur grande majorité, de mieux en mieux, c’est bien moins le cas pour les plus jeunes. La conjugaison de statuts précaires et de stagnation des niveaux de vie rend particulièrement délicat l’accès au logement autonome : une partie des jeunes doit se contenter de colocation à des âges élevés ou de rester vivre ses chez leurs parents. Seule une minorité très favorisée peut se constituer un patrimoine, notamment en accédant à la propriété. Les inégalités se transmettent par ce biais dans le temps : une fois âgés, quand certains auront achevé de rembourser leurs emprunts immobiliers, d’autres verront leur niveau de vie réduit par le paiement d’un loyer, creusant les écarts de niveaux de vie.

Les moyennes peuvent être trompeuses. Les jeunes qui subissent le plus la crise sont les moins diplômés, souvent issus des milieux ouvriers ou employés, pour qui l’insertion sur le marché du travail n’a rien à voir avec celle de la jeunesse diplômée, quand bien même celle-ci a plus de mal aujourd’hui qu’hier. A côté de formes variées de déclassement, il y a aussi l’absence de classement, qui fait « galérer » parfois des années avant de disposer d’un poste stable payé un peu plus que le minimum.

Ces dix années vont-elles laisser une trace définitive sur le niveau de vie des jeunes ? Au fil du temps, les écarts entre les âges se transforment en écarts entre générations, durablement marquées. Pour les plus jeunes, rien n’est jamais joué : on peut toujours attendre une reprise de la croissance qui modifierait la donne. A l’évidence, toute une partie des générations nées à partir des années 1960-1970, déjà âgées, ont connu une intégration sur le marché du travail bien plus difficile que les précédentes, surtout pour les moins qualifiés. Pour elles, le rattrapage n’est plus envisageable.

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