Ne perdons pas notre énergie dans un faux débat sur la fusion des universités

La fusion des institutions publiques est devenue de la part de certains responsables politiques un leitmotiv, faute sans doute de porter d’autres projets : après la fusion des régions, des communes, des ports, des hôpitaux, des cours d’appel…la fusion des universités est une nouvelle illusion, face aux difficultés, liées surtout à un retard ancien de la recherche publique dans notre région, et à la jeunesse des universités de Rouen et du Havre.

Il y a 30 ans la pensée dominante était de créer des universités dans toutes les villes pour favoriser, par la proximité, l’accès d’un plus grand nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur. Ce long processus que j’ai vécu de près par mes fonctions, s’est traduit en 1966 par la création de l’université de Rouen et en 1984, par la création de l’université du Havre.

Mais nous avons tenu bon aussi, et je m’en réjouis pour en être un peu à l’origine en 1986 comme Président de l’université de Rouen, pour ne pas céder aux tentations de créer 2 universités : Rouen1 et Rouen2 (même si maintenant on pourrait se « glorifier » logiquement de les « fusionner » !!).

Aujourd’hui le balancier fonctionne à l’envers : on regroupe les universités d’une même agglomération (Marseille, Strasbourg,) mais pas toutefois des universités implantées sur plusieurs villes : les 3 universités de Grenoble fusionnent mais pas avec Chambéry située à 60km, Tours et Poitiers à moins de 100km restent autonomes…

Certains parlent de fusions des universités de Caen, Rouen, Le Havre, avec des arguments étonnants : il y aurait des doublons dans les 1ers cycles ! Veux-t-on faire faire 100km aux jeunes bacheliers pour entrer à l’université ? Impensable au moment où il faut surtout progresser dans la transition du Lycée à l’enseignement supérieur ! À l’autre bout les écoles doctorales fonctionnent par contre déjà en commun sur les 3 universités ! Dans le même temps les mêmes ignorent superbement les écoles pourtant de taille plus petite !

Ce monstre tentaculaire serait bien difficile à gérer pour quels bénéfices pour les étudiants ?

Alors on évoque les classements internationaux, la visibilité internationale !

Le classement de Shanghai qui s’appuie surtout sur la recherche, comme celui du Times Higher Education, placent dans les 10 premiers, des universités de moins de 20000 étudiants comme je l’avais déjà souligné. Les universités de Cambridge et Oxford n’ont pas 20000 étudiants et sont distantes de moins de 160km : qui parle de les fusionner ?

Dans les 3 établissements français qui apparaissent dans les 100 premiers, l’école Normale supérieure n’a pas 3000 étudiants !

Le palmarès de la réussite étudiante et de la valeur ajoutée par les établissements pour cette réussite, publié chaque année par le Ministère, place toujours en tête des universités de petite taille.

Je ne vois pas dans ces constats de véritables arguments sur une Université de grande taille, proche de l’obésité institutionnelle, coûteuse, ingouvernable, éloignée des étudiants et peu innovante…

Ce n’est pas la taille qui importe, c’est le travail en réseaux, la mutualisation d’équipements lourds, la pluridisciplinarité des projets, les liaisons internationales, les liens avec les entreprises…le travail en réseau c’est la souplesse, l’adaptation …

Ne perdons pas notre temps dans des débats stériles, institutionnels, qui éloignent des réalités des territoires, et consomment tout le temps utile à la construction de nouveaux projets.

Avançons vers un renforcement de la coopération entre tous les établissements d’enseignement supérieur sans paralyser ces avancées par de faux débat !

Demandons à l’état qu’il fasse l’effort nécessaire pour la recherche publique qu’il n’a pas suffisamment fait en 50 ans, sous prétexte que nous étions une région riche (il est vrai que la recherche privée est plus développée), avec des établissements jeunes : à cet égard les Programmes d’investissements d’avenir, doivent aussi permettre des “rattrapages” et pas seulement servir ceux qui sont déjà les mieux dotés.

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3 Commentaires

    • maréchal jean-pierre sur février 6, 2018 à 6:00 pm
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    Salut Dominique

    Pour une fois que je partage ton point de vue, je me permets de te le dire à titre de vieille connaissance

    Amicalement

    JP MARECHAL

    1. Merci jean Pierre ! mais c’est pour moi un combat qui n’est pas nouveau et dont pourront témoigner certains de tes amis ! Au plaisir

    • Décroissant sur février 7, 2018 à 11:43 am
    • Répondre

    Fusionner pour réduire les coûts et le personnel fonctionnarisé donc forcément inefficace est l’un des axiomes des thuriféraires du néolibéralisme que les politiques publiques poursuivent aveuglément sans véritable contrôle a posteriori du maintien de la qualité du service proposé ni du gain financier réel. Si dans une entreprise du secteur privé le marché (en externe) et le contrôle de gestion (en interne) ont vite fait de remettre au pas les embardées mal maîtrisées, l’absence d’évaluation conduisant à infirmer ou à confirmer les politiques poursuivies semble caractériser l’action publique. Seul bénéfice visible : plus l’entité est grosse, mieux les dirigeants sont rémunérés et médiatiquement mis en valeur…

    Il est à parier que la prochaine évocation de 1968 ne devrait pas réhabiliter le mot d’ordre « small is beautiful » à contre-courant de l’idéologie « mainstream » véhiculée par les media !

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