Il faut une refonte globale du système européen de l’asile

Pourquoi l’asile ? D’abord parce que la “crise des migrants” est avant tout une “crise des réfugiés”. Les statistiques le prouvent : ce sont les désordres géopolitiques du Proche et du Moyen Orient qui l’ont alimentée. Sans les ravages causés par la guerre en Syrie, en Irak ou en Afghanistan, il n’y aurait eu aucune crise.

Ensuite, parce que le droit d’asile est aujourd’hui en danger. La Convention de Genève donne lieu en effet à des applications très inégales selon les pays européens, l’origine des demandeurs et les périodes : au total, l’asile s’est transformé en une forme de loterie administrative. Par ailleurs, le système de Dublin, qui fait obligation au pays de première entrée dans l’Union européenne d’examiner les demandes d’asile, a généré un inconcevable désordre  : il a fait porter sur les pays situés en première ligne une charge disproportionnée, sans empêcher pour autant les mouvements secondaires ; il n’a pas permis en pratique de transférer les demandeurs concernés dans le pays d’entrée ; il a fait perdre un temps et une énergie considérables aux autorités nationales comme aux demandeurs d’asile, plongeant ces derniers dans des situations de très grande précarité…

Enfin, parce que les Européens ne cessent de se déchirer sur cette question, certains s’étant même soustraits au principe de la solidarité, voire affranchis de leurs devoirs humanitaires. Les polémiques incessantes au sujet du destin des demandeurs d’asile secourus en mer ont fini par alimenter, non seulement des égoïsmes nationaux, mais aussi des forces populistes dont la montée en puissance est de mauvais augures pour le projet européen. De fait, la cohésion de l’Union est aujourd’hui menacée.

Face à cette situation particulièrement critique et aux tensions politiques qu’elle a aiguisées, les solutions qui ont été avancées jusqu’ici se sont concentrées sur le contrôle des flux d’entrée et ont privilégié des scénarios d’externalisation. Qu’il s’agisse d’accords bilatéraux avec des pays tiers (Turquie, Libye…) ou de systèmes plus généraux (système dit des “pays tiers sûrs” ou plateformes de débarquement), ces formules risquent toutes, non seulement de violer les principes de la Convention de Genève, mais aussi de placer l’Union européenne dans une forme de dangereuse dépendance à l’égard de ses voisins.

Il convient donc de passer à une autre échelle. C’est pourquoi dans un récent rapport, terra Nova et l’institut Montaigne,  proposent une refonte globale du système européen de l’asile. Il en appelle tout d’abord:

– à la transformation des agences nationales compétentes en autorités indépendantes (donc soustraites aux influences politiques)

– à la suppression de la clause du pays de première entrée du règlement de Dublin pour lui substituer le principe de libre choix du pays où le demandeur d’asile souhaite déposer sa demande, pour autant que ce pays ne soit pas en situation de surcharge manifeste par rapport à ses voisins,

– à la création d’un Office du droit d’asile en Europe (ODAE) qui sera chargé de coordonner ces agences nationales et d’harmoniser peu à peu leurs pratiques décisionnelles.

L’Union européenne devra également jouer un rôle beaucoup plus actif dans les relations avec les pays d’origine et de transit, afin de faciliter la réadmission des déboutés dans leur pays d’origine quand aucune autre voie légale d’immigration n’aura pu être trouvée.

En attendant que ce nouveau système voie le jour, il est toutefois nécessaire de répondre aux situations d’urgence. Ainsi, pour faire face à la crise des demandeurs d’asile secourus en Méditerranée, ce rapport propose la création de centres européens d’accueil et de traitement (CEAT) sur le sol européen. Situés sur les côtes des pays de l’UE ayant une façade méditerranéenne, ces centres seront exclusivement dédiés à la gestion des demandes d’asile des secourus de la mer. Les délais de traitement des demandes en première instance seront réduits à un maximum de 30 jours. Grâce à la présence dans chaque centre des différentes autorités nationales des États membres, les demandeurs d’asile pourront solliciter la protection de l’État membre de leur choix pour autant que celui-ci ne se trouve pas dans une situation de surcharge manifeste par rapport à ses voisins. Ces CEAT répondront à une logique de solidarité double : d’une part, les pays européens du pourtour méditerranéen se partageront équitablement l’accueil des secourus en mer ; de l’autre, l’ensemble des États membres de l’Union se partageront l’accueil des réfugiés.

 le rapport

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