Fév 25

Le Baromètre des Territoires : la Normandie et ses habitants

Le Baromètre des Territoires 2019, mené par Elabe et l’Institut Montaigne, analyse l’impact des  fractures sociales et territoriales sur notre cohésion sociale. Quels sont les ressorts de ces divisions : que faut-il attribuer à la géographie ? Aux facteurs socio-économiques ? Quels rapports les Français entretiennent-ils avec leurs territoires ? Sont-ils des lieux dans lesquels il se réalisent et s’épanouissent pleinement, ou au contraire un espace qui les entrave et les assigne ?

Les conclusions de ce baromètre proposent un portrait des Français porteurs d’un sentiment de bonheur privé largement partagé, mais percuté par un sentiment d’inégalité et d’injustice. Ces sentiments sont également modulés par le rapport que les Français entretiennent avec leur territoire et leur mobilité, subie ou choisie. Apparaît alors l’image d’une France non pas fracturée, mais en morceaux, avec des Français   « affranchis », « enracinés », « assignés » ou « sur le fil »

Parmi les 10.010 personnes qui ont répondu à l’enquête de ce  Baromètre des Territoires, 801 sont Normands. Ces 801 personnes constituent un échantillon représentatif de la population de la région Normandie constitué à partir de quotas sur les variables de genre, d’âge, de catégorie socio-professionnelle et de taille d’agglomération.

Pour comprendre les résultats, le chiffre entre parenthèse indique le décalage de la région par rapport à la moyenne nationale. Par exemple 75% (+2) sont heureux signifie que 75% des habitants de la région Normandie se déclarent heureux et que ce chiffre est supérieur de 2 points par rapport à la moyenne nationale qui est de 73%.

Une certaine douceur de vivre

75% des Normands déclarent être heureux (+2) et 60% (-1) ont le sentiment d’avoir choisi la vie qu’ils mènent et 68% trouvent qu’il fait bon vivre dans leur quartier, dans leur commune (+2).

Ils dessinent un cadre de vie agréable, dans lequel 45% (+4) souhaitent que leurs enfants grandissent :
Les Normands vantent les paysages de leur région (61%, +11, dans le top 3 des régions métropolitaines), leurs habitants (35%, +6) et son histoire (24%, +5).
71% se sentent en sécurité là où ils vivent (+4) et jugent leur environnement de proximité relativement épargné par les pollutions 58% (+4).

Mais une région qui se sent pénalisée par des carences de mobilité, de connexion et l’atonie de son économie

Les Normands jugent que les transports 53% (+9), le climat 39% (+12), l’économie 35% (+2) et les équipements publics 34% (+7) sont les principaux défauts de leur région.

49% ont le sentiment que les services publics (hôpital, école, bureau de Poste, services sociaux, …) disparaissent de leur territoire (+12). Ce recul de l’Etat se traduit par une mauvaise desserte en transports en commun pour 47% (+9).Et 29% considèrent que l’accès à Internet y est de mauvaise qualité (+7, soit le plus mauvais score enregistré parmi les 12 régions métropolitaines).

Dans une région où le taux de chômage (9%) est légèrement supérieur à moyenne nationale, les sujets économiques pèsent sur les perspectives de la région : 59% (+5) pensent qu’il est de plus en plus difficile d’y trouver un emploi, que lorsque les commerces ferment ils trouvent difficilement un repreneur (49%, +5), et seuls 42% (-9) considèrent que leur quartier est attractif pour de nouveaux habitants.

Ce quotidien entravé par les difficultés de mobilité fragilise le consentement à l’impôt : ils ne sont que 54% (-2) à trouver l’impôt utile. Les deux tiers (65%, =) estiment qu’ils contribuent par leurs impôts plus au système qu’ils n’en bénéficient. 39% (+3) seraient néanmoins prêts à payer plus d’impôts pour réduire la pauvreté, 36% pour la santé (+5) et 22% pour lutter contre les pollutions (-1).

Dans ce contexte, seuls 44% se disent optimistes pour l’avenir de leur région (-1) et un sur deux pour l’avenir de l’endroit où ils vivent (50%, =).

Une confiance vis-à-vis des institutions de proximité

Les Normands font néanmoins davantage confiance aux institutions de proximité que la moyenne nationale : 70% (+5) envers l’école de leur secteur, 74% envers leur Poste (+3), envers la police et gendarmerie 65% (+1). Seule exception, l’hôpital, où le taux de confiance n’est que de 56% (-3).

Bien que la confiance reste minoritaire à l’égard des élus, les Normands sont légèrement moins sévères qu’ailleurs en France : 45% (+4) font confiance à leur maire et 20% à leur député (+4). Dans les deux cas, bien que bas en valeur absolue, il s’agit des niveaux de confiance les plus élevés en France.

En revanche, la défiance s’est installée envers l’Europe : 40% (+5) jugent que l’appartenance de la France à l’Union Européenne présente plus d’inconvénients que d’avantages pour leur région. Cette défiance est alimentée par la perception d’une Europe « inutile », qui ne protège pas : 51% (+4) sont convaincus que l’Union Européenne ne protège pas leur région des effets négatifs de la mondialisation, et 51% qu’elle ne maitrise pas les flux migratoires dans leur région (=).

Le pouvoir d’achat des Normands sous pression

La crise du pouvoir d’achat n’épargne pas les Normands. 53% (+5) bouclent leurs fins de mois en se restreignant. C’est le chiffre le plus élevé de toutes les régions métropolitaines, tout comme celui du nombre de personnes ayant été à découvert à plusieurs reprises au cours des douze derniers mois (41%, +4). 42% considèrent que leur situation financière s’est dégradée en 2018 (-1).

Cette pression pèse sur la consommation des Normands. Ils sont plus nombreux que la moyenne des Français à rechercher presque systématiquement les plus bas prix, pour les courses alimentaires 35% (+3), comme pour les vêtements et chaussures 53% (+3) et l’équipement des meubles de la maison 54% (+4).

Mais elle pèse également sur des charges fixes essentielles : 23% ont eu des difficultés à payer leur loyer ou leur emprunt immobilier (=), 31% (+2) à régler leurs factures d’électricité, de gaz ou de fioul. 52% ont également retardé ou renoncé à des soins de santé en 2018.

Le pouvoir d’achat est ainsi leur première préoccupation (42%, +2), devant les retraites (28%, +2), la santé (27%, +2), et l’emploi 25% (=).

Pour leur avenir personnel, ils ne sont pas plus optimistes que l’ensemble des Français (48%, +1).

Un fort sentiment d’injustice

Cette crise du pouvoir d’achat se double d’un sentiment d’injustice sociale : 79% (+1) des Normands considèrent que la société est injuste et 61% (-2) que la réussite sociale est jouée d’avance et dépend beaucoup de l’origine sociale des gens. Il s’indigne de l’écart entre les hauts et les bas salaires 40% (+3), des inégalités sociales 31% (+2), de la fraude fiscale 25% (+1), de la précarité de l’emploi 24% (+3) et du gaspillage 23% (+1).

70% sont pessimistes pour l’avenir de la société française (=).

La région et ses mobilités 

Traduction de la douceur de vivre exprimée, les Normands sont attachés à leur territoire : d’abord à leur région 60% (+2), puis à leur ville 54% (+2) et à leur département 53% (=). Cet attachement au territoire s’exprime également à l’égard du pays. La Normandie est la région où l’attachement à la France est parmi les plus élevés (75%, +2), et l’envie de la quitter la plus faible 23% (-5).

Mais la région connaît une croissance économique inférieure à la moyenne métropolitaine et une faible vitalité démographique produisant un solde migratoire négatif. Les difficultés économiques expliquent sans doute en grande partie la forte tentation des Normands de quitter leur région pour une autre : 45% (+3) quitteraient leur région s’ils en avaient la possibilité. Mais cette aspiration à la mobilité est contrariée par les difficultés socio-économiques : 46% (+2) estiment que s’ils voulaient quitter l’endroit où ils vivent, déménager serait difficile, se sentant « coincés » là où ils habitent.

Le Baromètre des Territoires révèle quatre grands types de trajectoires sociales et territoriales qui coexistent dans notre espace national. Ces quatre groupes sont présents dans tous nos territoires.

La Normandie présente une répartition de ces groupes très proche de la moyenne nationale :
– Elle compte 33% de « Sur le fil » (+1) : ces Normands vivent une forte tension entre leur aspiration à la mobilité sociale et territoriale et une difficulté à s’affranchir de leur situation socio-économique et des inégalités territoriales.
– 24% « d’Assignés » (=) : ils subissent de plein fouet les inégalités sociales et territoriales. Ils sont bloqués géographiquement et socialement. Ils dessinent leur avenir et celui de leurs enfants avec pessimisme.
– 24% « d’Enracinés » (+2) : heureux de vivre là où ils ont choisi de vivre, leur bulle personnelle est un bouclier qui les protège de la violence sociale, sans pour autant la masquer.
– Et 19% « d’Affranchis » (-2) : ils ont peu d’attache territoriale, ils réalisent leur projet de vie sans entrave, ou ont les moyens socioculturels de surmonter les obstacles, de s’emparer des opportunités et de tirer parti des évolutions de notre société, telles que la numérisation de nos vies personnelle, sociale et professionnelle, l’Union Européenne ou la mondialisation.

Le baromètre pour la Normandie

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