Mar 19

Mieux connaitre notre estuaire de la Seine , pour quels enjeux ?

 Le GIP Seine-Aval a publié un Livret intéressant intitule “10 idées reçues et 10 enjeux pour l’estuaire de la Seine” ; ce qu’on peut en retenir, pour refuser certaines idées fausses et les enjeux majeurs :

1 L’estuaire de la Seine ne s’arrête pas à Tancarville

Un estuaire est la portion aval d’un fleuve sous l’influence de la marée. En Seine, elle est ressentie jusqu’au barrage de Poses qui en constitue la limite amont. L’estuaire inclue également les terrains longeant la Seine, comme les vasières et les zones humides. De Poses à Vieux-Port, l’estuaire est constitué d’eau douce soumise à la marée. Entre la marée haute et la marée basse, la hauteur d’eau varie de 3 m à Rouen et de 1 m à Poses. Les eaux douces venant de la Seine et les eaux marines se mélangent entre Vieux-Port, Honfleur et le Havre. En mer, l’influence de la Seine se fait sentir jusqu’en Manche et sur le littoral.  Ce territoire estuarien et sa gestion sont cependant découpés administrativement. Socia­lement, plusieurs identités fortes s’expriment et sont associées à une portion du territoire ou à une pratique. Dans ce contexte, le développement d’une identité estuarienne de Poses à la mer représente un enjeu fort pour faciliter une gestion cohérente du territoire et accompagner sa réappropriation sociale.

2 L’aménagement de l’estuaire de la Seine n’est pas est récent

L’aménagement à grande échelle de l’estuaire de la Seine a débu­té dès 1850. De grandes phases de travaux se sont alors succédées pour sécuriser et développer la navigation, implanter de nouvelles activités industrielles, accompagner l’essor urbain, créer de nou­veaux axes de transport et transformer l’agriculture. L’aménagement de l’estuaire de la Seine s’est notam­ment matérialisé par l’artificialisation des berges, la suppression des îles, l’assèchement de marais ou encore l’approfondissement du chenal. Le fonctionne­ment environnemental de l’estuaire en a été profon­dément modifié. Adapter les pratiques pour concilier économie et environnement et intégrer ces deux dimensions dans les projets d’aménagement participent à l’atteinte des objectifs environnementaux.

3 Le paysage estuarien n’est pas uniquement urbain et industrialo-portuaire

Chaque secteur de l’estuaire est dominé par des éléments paysagers structurants, avec des transitions plus ou moins marquées : paysages naturels ( boucle de Poses/Elbeuf), paysages urbains et industriels ( boucle rouennaise), paysages agricoles (de la Bouille à Port-Jérôme),  paysages mixtes nature/industrie/Port (embouchure, jusqu’à la Manche). Ces divers paysages constituent un lien entre les milieux naturels et les activités humaines. Ils sont le reflet d’une diversité de pratiques, d’usages et de regards.Valoriser et rendre accessible les espaces naturels de l’estuaire de la Seine vers différents publics (scolaires, institutionnels, usa­gers,…) est ainsi un enjeu fort pour accompagner la réappropria­tion de cet environnement par la population.

 4– L’eau de la Seine n’est pas marron du fait de la pollution

La couleur marron de la Seine est liée à la présence de matériaux en suspension dans l’eau, comme la vase ou le sable. Ces matériaux, issus de l’érosion des sols du bassin versant, se concentrent à l’em­bouchure de l’estuaire, à la rencontre entre la mer et le fleuve. Dans l’estuaire de la Seine, jusqu’à 2 grammes de matière minérale ou organique sont naturellement en suspension par litre d’eau. D’autres éléments sont présents à des concentrations moindres, comme des polluants chimiques, des bactéries ou des organismes microscopiques. Leur origine est à la fois naturelle et liée à l’activité humaine. Le fonctionnement de l’estuaire est influencé par la nature et par les activités humaines (aménagements, rejets, …). C’est la combinaison de ces différentes forces et pressions qui détermine la profondeur de l’estuaire, la qualité des milieux naturels et la biodiversité associée. Les différents paramètres qui influent sur le fonctionnement de l’estuaire ont évolué au cours du temps. L’estuaire s’inscrit ainsi, non pas dans l’équilibre et la stabilité, mais sur une trajectoire d’évolution. Cette dernière est le fruit de l’histoire et continuera à évoluer en lien avec les choix de gestion et d’aménagement et avec le changement climatique.

5 On peut connaitre encore des inondations comme celle de 1910

Les débordements dans l’estuaire de la Seine sont liés à plusieurs facteurs : fort coefficient de marée, important débit de la Seine, conjoncture météorologique défavorable (fort vent d’ouest, dé­pression). Ces conditions vont inévitablement se représenter et l’estuaire sera de nouveau soumis à des évènements d’inondation ou de submersion marine, plus ou moins intenses. Les terrains en bordure de Seine sont soumis au risque inondation à travers différents phénomènes : le débordement de la Seine, les remontées de nappes, le ruissellement et la submersion marine. Selon les secteurs de l’estuaire, l’intensité des différents phéno­mènes varie, mais ils peuvent se combiner et renforcer la durée et l’emprise d’une inondation. L’un des enjeux pour comprendre, anticiper et gérer les évènements futurs est la mise en place d’une gestion territoriale résiliente à l’échelle globale de l’estuaire.

6 La qualité de l’eau de la Seine s’améliore   

La réduction des rejets et l’amélioration du traitement des eaux issues des ménages et des industries a permis une large améliora­tion de la qualité des eaux de la Seine depuis 20 à 30 ans, mais la qualité actuelle ne peut toujours pas être qualifiée de bonne : les apports en polluants ont une responsabilité majeure dans diverses interdictions ou restrictions de pêche. Des conséquences positives sont observées, avec le retour de poissons migrateurs ou l’arrivée de mammifères marins à l’embouchure. Mais il faut Poursuivre l’amélioration de la qualité des eaux :Les teneurs encore fortes en nitrates, l’accumulation de macrodé­chets et de micro plastiques, la présence de médicaments, de pes­ticides, ou plus globalement d’un mélange de contaminants sont aujourd’hui des problèmes mis en évidence par les études scienti­fiques.

7 Tous les polluants de la Seine ne se retrouvent pas en mer

La Seine transporte de nombreux polluants jusqu’à la baie . La dynamique estuarienne permet cependant un stockage et une épuration naturelle d’une partie de ces polluants, réduisant ainsi les flux à la mer apportés par la Seine. De nombreux processus naturels, spécifiques aux estuaires, permettent une épuration partielle ou un stockage des polluants présents. Des bactéries per­mettent ainsi la transformation des nutriments, la végétation assimile diverses substances, la sédimentation favorise le stockage de substances chimiques, les courants piègent des macrodéchets,… Ainsi, la connexion du fleuve aux zones humides participe à la régulation des crues et les vasières contribuent à épurer les eaux. La production et la transformation de la matière organique à la base de la chaîne alimentaire permettent le développement des différents organismes aquatiques. L’écoulement des eaux permet la dilution et le transport des apports polluants. Le renforcement des fonctions environnementales assurées par l’estuaire est aujourd’hui un enjeu majeur pour développer ou optimiser les services rendus à l’homme. La préservation et la restauration de milieux estuariens supports de ces fonctions en sont les éléments centraux.

8- L’estuaire de la Seine est un espace riche en biodiversité

La variabilité des niveaux d’eau, de la salinité et la richesse de la res­source alimentaire permettent la présence d’espèces spécifiques aux estuaires. L’estuaire de la Seine abrite ainsi divers milieux naturels, indispensables pour de nombreuses espèces. La diversité des milieux estuariens permet le dé­veloppement d’une végétation riche et diversifiée, offrant une capacité d’accueil pour de nombreuses espèces animales : mollusques, insectes, crustacés, amphibiens, poissons, oiseaux, mammifères ma­rins,… Même si l’estuaire de la Seine abrite encore aujourd’hui des milieux riches et productifs, ils ont subi de nombreuses dégradations, en lien avec l’aménagement historique de l’estuaire et la pression chimique intense des années 1950-80. La présence de contrastes et de gradients (niveau d’eau, salinité, ressource alimentaire) ren­force la spécificité de ces milieux et leur fragilité. Assurer des conditions favorables pour la croissance de la flore et pour le développement de la faune est un enjeu majeur pour préserver et améliorer le fonctionnement environnemental de l’estuaire de la Seine.

 9- Le dragage n’est pas responsable de l’envasement des plages du littoral

L’envasement des plages à proximité d’un estuaire est un phénomène naturel. A l’image de la Seine, les estuaires vaseux génèrent des dé­pôts de sédiments fins à proximité de leur embouchure et sur les plages voisines.  Les plages du littoral sont constituées par les maté­riaux issus de l’érosion côtière et continentale. Ces derniers ont une dynamique soumise aux courants marins et fortement liée à des évènements naturels, comme les crues et les tempêtes. Ils alimentent le panache de la Seine, peuvent être expulsés en baie de Seine et se déposer naturellement sur le littoral. Le fonctionnement naturel de l’estuaire de la Seine est gouverné par différentes forces venant de la mer, du fleuve et des milieux adjacents. Leur rencontre est à la base d’une diversité de milieux et de la dynamique estuarienne. L’estuaire de la Seine est également un axe stratégique de trans­port, de développement urbain et économique. Les aménagements et les pressions liées aux nombreuses activités présentes sur son bassin versant interagissent avec son fonctionnement naturel et le complexifient. Pour comprendre le fonctionnement actuel de l’estuaire, éva­luer son état de santé et proposer une gestion durable, la double influence naturelle et anthropique doit être étudiée.

10 Le changement climatique est déja visible en estuaire

Comme tous les milieux naturels, les estuaires sont soumis au chan­gement climatique. Les niveaux d’eau, la température ou encore les volumes d’eau apportés sont autant de paramètres pour lesquels des répercussions sont observées en estuaire de Seine depuis plu­sieurs décennies. Au Havre, l’augmentation du niveau moyen de la mer s’accélère depuis les années 1970. Elle va se poursuivre et se répercuter jusqu’à Poses. Les étiages, les crues et les tempêtes seront plus marqués. Niveau moyen de la mer : +13cm au Havre depuis 1938 .Des modifications des milieux naturels, des comporte­ments migratoires des oiseaux et des poissons sont d’ores et déjà observés. Le changement climatique, impactera la Seine jusqu’à Poses. Il aura des répercussions sur la pénétration de la salinité, le déplacement des vases, les courants, les niveaux d’eau, la morphologie de l’estuaire et plus globalement sur son fonctionnement environnemental.  La modéli­sation des projections climatiques pourra apporter des éléments de com­préhension du fonctionnement futur de l’estuaire.

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