Fév 24

La solitude, une réalité ou un sentiment inégalement partagé !

Un dixième des adultes a peu de relations sociales, selon la Fondation de France et que rapporte l’observatoire des inégalités : c’est 3 % si l’on ne prend pas en compte les personnes vivant en couple. Ils n’ont pas ou très peu de contacts au sein de leur réseau familial, professionnel, amical ou de quartier. Au total, cinq millions seraient concernés.

Toujours selon l’étude, 4 % ne voient jamais d’amis et 10 % seulement très occasionnellement. Un cinquième n’a pas d’échanges avec leurs voisins. 5 % ne voient jamais leur famille et 14 % très rarement. La moitié de la population ne participe à aucune activité associative et plus du tiers soit n’ont pas de collègues de travail, soit n’ont aucune relation extra-professionnelle avec leurs collègues.

  Si l’on considère l’ensemble de la population adulte (non uniquement celles qui ont très peu de contact), près d’un adulte sur cinq se sent « souvent » seul ou « tous les jours ou presque » selon la Fondation de France. Un chiffre à considérer comme un ordre de grandeur car 12 % des personnes interrogées par ailleurs par le ministère des Solidarités dans son baromètre annuel sont dans ce cas (données 2016).

Les sentiments s’expliquent difficilement, et l’isolement constitue une notion éminemment subjective. A la question « pourquoi vous sentez-vous seuls ? », posée par la Fondation de France, 6 % ne savent pas répondre et 20 % ne répondent pas. 15 % citent une assez vague « absence de relations sociales ». La rupture dans un couple joue : 16 % citent soit le fait d’être célibataire ou séparé (11 %), soit le veuvage (4 %). Pour 7 % seulement ce sentiment vient du fait de vivre seul.

Les données du ministère des Solidarités permettent d’en savoir plus sur les personnes qui disent souvent se sentir seules (données non comparables avec celles de la Fondation de France puisque le total des personnes concernées est de 12 % dans ce cas). Si le genre joue peu (13 % des femmes sont concernées contre 11 % des hommes), l’âge compte davantage : 8 % des 18-24 ans se sentent isolés contre 14 % des 50-64 ans. Encore faut-il remarquer d’emblée que se sentir seul à 20 ans – l’âge de la sociabilité et des rencontres – peut être vécu bien plus difficilement qu’à 80.

Le milieu social intervient encore plus : 18 % des ouvriers se sentent souvent seuls, soit trois fois plus que les cadres supérieurs. La situation économique des personnes joue aussi. 24 % des chômeurs disent se sentir souvent seuls, deux fois plus que l’ensemble des salariés. Le diplôme compte : 8 % des titulaires d’un bac + 2 ou plus sont concernés contre 20 % des non-diplômés, ainsi que le revenu : 7 % des personnes dont le niveau de vie 2 est supérieur à 2 000 euros mensuels sont touchés contre 18 % de ceux qui touchent moins de 900 euros mensuels.

Ces résultats confirment les travaux de la Fondation de France dont les auteurs estiment que « les isolés sont surreprésentés parmi les chômeurs et les inactifs non étudiants, des personnes au foyer pour l’essentiel. Plus du tiers des isolés ont des bas revenus, contre un quart dans l’ensemble de la population.».

  Encore ne faudrait-il pas relier trop mécaniquement les phénomènes : le sentiment d’isolement est le résultat de différents processus de rupture ou d’absence d’intégration dans un certain nombre de cercles (couple, famille, amis, travail, etc.) qui touchent aussi les populations les plus favorisées.

L’anonymat des villes a libéré les individus de la surveillance de proximité des campagnes, ce qui constitue un progrès énorme. En contrepartie, certains réseaux ont disparu. Une partie des populations isolées peuvent difficilement mobiliser des parents ou des amis pour leur venir en aide en cas de difficulté. Au-delà de la solitude d’ailleurs, l’accès à un réseau capable de soutien matériel, d’aide à la recherche d’emploi, pourvoyeur de stages, de logements ou de loisirs est un élément à prendre en compte, encore plus dans une société ou l’intégration professionnelle est rendue plus difficile et les liens du couple assouplis.

 Le lien social ne se résume pas, toutefois au nombre de contacts, loin de là. La multiplication de contacts éphémères ne constitue pas toujours un progrès pour les individus, et nombreux sont ceux qui vivent entourés mais sans de véritables liens sociaux. Bref : il y a la qualité et la quantité. On le comprend bien avec l’exemple des réseaux sociaux de l’Internet, qui procurent nombre d’« amis » qui n’en sont pas vraiment. C’est la même chose avec la sociabilité réelle : a-t-on vraiment besoin d’élargir sans cesse son réseau pour bien vivre, de multiplier les contacts ? La qualité des liens qui relient les personnes importe davantage que leur quantité. De la même façon, il faudrait distinguer l’isolement passager (entre deux situations de couple, de logement, d’emploi, etc.) de celui qui dure de façon contrainte et durable.

 

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