Faut-il adopter le vote obligatoire ?

Débat ancien ?   débat récurrent ?   débat saturé? Oui, et la lecture du rapport publié il y a presque cent ans par Joseph Barthélémy ( Pour le vote obligatoire, Rapport fait au nom de la Commission du suffrage universel, Revue de droit public, 1922)  atteste de ce que les arguments, pour défendre comme pour rejeter le vote obligatoire, n’ont guère changé.

Mais le contexte, lui, n’a-t-il pas profondément changé ?

— spectaculaire progression de l’abstention .

—  reconnaissance du vote blanc, depuis la loi promulguée le 21 février 2014.

— volonté de réaffirmation des valeurs républicaines;

—  transformation du lien social, des médias, des réseaux sociaux…..

 Le vote est un droit qu’il est loisible à chacun d’exercer ou de ne pas exercer – et chacun est même libre de ne s’intéresser en rien aux affaires publiques. Après l’adoption du suffrage universel masculin en 1848, après son extension successive aux femmes en 1946, aux jeunes de dix-huit ans en 1974, après l’inscription obligatoire sur les listes électorales en 1997,  faut-il  pourtant rendre le vote obligatoire?.

Après Rousseau, faut-il  voir dans le vote un droit individuel ? a-t-il au contraire une fonction sociale comme le pensent d’autres philosophes ?

Une trentaine de pays  pratique le vote obligatoire : – Belgique, Luxembourg, Grèce, Autriche, Turquie, Australie, Brésil, Chili, Argentine, Uruguay, Venezuela notamment .

 Et si aucun pays ne l’a récemment adopté ; plusieurs, en revanche, l’ont abandonné : Mexique, Russie, Hongrie, Espagne et, en 1970, Pays-Bas.

La Cour européenne des droits de l’homme a été saisie de la compatibilité du vote obligatoire avec la liberté de conscience. À plusieurs reprises, elle l’a jugé conforme, considérant que la liberté de conscience concerne le choix du vote et pas le choix de voter. Le vote obligatoire est donc juridiquement possible dont on peut attendre trois bénéfices collectifs.

— renforcer la légitimité de notre démocratie.

— une incitation à s’intéresser, au moins un peu, à la chose publique.

— défendre une certaine conception de la République :  si elle donne des droits, elle impose aussi des devoirs .

La Fondation Jean Jaurès présente 2 notes aux conclusions contraires :

POUR le vote obligatoire,  par  Gilles Finchelstein, ou CONTRE le vote obligatoire par Didier MAUSS

Dans le cadre de la mission « Engagement citoyen et appartenance républicaine », la Fondation Jean-Jaurès a demandé à Harris Interactive de sonder le regard que les Français peuvent porter sur le vote obligatoire : 56% des Français approuveraient l’instauration du vote obligatoire, une majorité qui passerait à 67% si cette réforme s’accompagnait de la reconnaissance du vote blanc au même titre que les votes exprimés (alors que 55% des Français étaient hostiles au vote obligatoire en 2006).

Claude Bartolone,  propose cette mesure, parmi d’autres, dans son rapport sur «l’engagement citoyen et l’appartenance républicaine» remis à François Hollande.

Pour Michel Hastings : «Il ne faut pas donner l’impression de punir les électeurs», et plusieurs études montrent que le résultat des élections, ne serait pas significativement modifié par le vote obligatoire.

Avec le vote obligatoire , deux questions restent posées : la question de l’inscription sur les listes électorales et  La question des sanctions,   a moins que le vote obligatoire reste une injonction morale : «Si le vote devenait obligatoire en France, les citoyens n’allant pas voter devraient-ils être sanctionnés?» : 54% des sondés ont répondu oui et 46% non.

On ne peut penser que le vote obligatoire constitue la panacée : on peut même imaginer de nombreux effets pervers ! Faut il “marchandiser” ce vote, par le cout d’une amende ? peut on séparer la citoyenneté de la responsabilité? Il ne traiterait que les effets et pas les causes de l’abstention. il existe d’autres formes de démocratie que la démocratie politique et d’autres modes d’expression des citoyens que le suffrage.  Bien d’autres initiatives sont donc nécessaires pour enraciner les valeurs républicaines et faire vivre la démocratie : à cet égard le rapport de Claude Bartolone présente un mérite incontestable.