Faut-il confier la politique de l’emploi aux Régions ?

imagesCAL4C9EDLe rapport  de la Cour des comptes,  «Pôle emploi à l’épreuve du chômage de masse », pose des questions qui ne peuvent rester sans réponse . Ce n’est  ni la qualité des personnels ni leur investissement professionnel qui sont en cause, mais l’efficacité et l’organisation d’un système qui doit être revu.

Et pourtant, notre pays n’aura jamais consacré autant de moyens financiers et humains au service public de l’emploi qu’aujourd’hui avec notamment 5 milliards d’euros annuels, finançant les 950 agences de Pôle emploi et ses 53.000 salariés…   Sa plus-value réelle, depuis qu’il devenu de facto en 2008 « opérateur universel de l’emploi », est illisible sur l’essentiel : le placement.

La recherche d’emploi est devenue un parcours du combattant pour les demandeurs, rejetés tels des nomades de service en service, pour finir dans le bureau de l’élu local.

La France fait désormais partie des pays qui ont le taux de chômage le plus élevé de l’UE, alors même que le coût du travail dans notre pays est équivalent voire inférieur à celui de ces proches voisins. Preuve s’il en est que la lutte contre le chômage ne résume pas au seul coût du travail ou à la seule faculté de licencier.

Les Régions  ont proposé d’expérimenter le pilotage du service public d’accompagnement vers l’emploi, pour mettre fin à son émiettement, pour améliorer sa territorialisation. Sur nos territoires, nombre de PME et d’ETI peinent à recruter. Chaque année 820.000 emplois sont non pourvus et 400.000 recrutements abandonnés  : 15% des offres de Pôle emploi ne trouvent pas preneur!  D’autres pourraient recruter mais ne le font pas, faute de prospection et d’accompagnement

Les régions ont la responsabilité du développement économique et des politiques d’accompagnement des  entreprises, de la création d’entreprises, de la formation professionnelle, de l’apprentissage , de l’orientation… n’est-il pas légitime qu’elle assure le pilotage de l’accompagnement des chômeurs vers l’emploi ?

Il s’agit ainsi de mettre fin à un cloisonnement qui n’existe dans aucun autre pays d’Europe.  En Allemagne, les Länder et leurs subdivisions les Landkreis en charge du développement économique sont au cœur de la gouvernance de l’Agence fédérale pour l’emploi. En Italie, ce sont les Régions qui pilotent les Centres régionaux pour l’emploi.

Il ne s’agit pas de remettre en cause les règles d’indemnisation qui relève de l’Etat et des partenaires sociaux, mais de gérer au plus près des besoins la mise en relation des chômeurs avec l’emploi. L’équité ce n’est pas de gérer de la même façon, sur tous les points du territoire la politique de l’emploi !

 Les inégalités territoriales existent , les moyens de Pôle emploi  sont répartis imparfaitement selon les agences. Un conseiller Pôle emploi situé à Tremblay en Seine-Saint-Denis suit en moyenne 267 demandeurs d’emploi, son collègue du XVIe arrondissement, 142 : le double… En Aquitaine, un conseiller de Saint-Jean-de-Luz suit 131 demandeurs d’emplois, contre 290 à Lormont. Inversement proportionnel aux besoins !

Les Régions, dans le cadre d’une vraie décentralisation,  doivent pouvoir mieux   coordonner les acteurs du service public de l’emploi, à travers la reconnaissance d’une délégation de compétences et d’un transfert de crédits de l’Etat vers les Régions volontaires, pour assurer la coordination des acteurs, organiser le maillage territorial et la répartition des moyens au plus près des besoins des bassins d’emplois, mettre en place une véritable politique de prospection des entreprises et enfin cibler les publics prioritaires en fonction des caractéristiques du territoire

  Cette réforme systémique doit aller de pair avec un renforcement de la démocratie sociale au niveau régional. Les partenaires sociaux doivent retrouver toute leur place au sein d’un nouveau dialogue social territorial.

Ces débats autour de la « compétence emploi » illustrent la difficulté à simplifier réellement le service public de l’emploi et plus largement à désigner de manière claire des chefs de file.

Une réelle simplification devrait passer par une rationalisation du nombre d’acteurs, ou du moins un partage clair des compétences des uns et des autres. En 2009, l’ANPE et les Assédics ont fusionné dans un Pôle Emploi qui reste très centralisé, malgré son organisation en directions territoriales. Les maisons de l’emploi sont restées, aux côtés des agences Pôle Emploi, des missions locales (pour les jeunes), des Cap Emploi (pour les personnes en situation de handicap), de l’APEC (pour les  cadres), des PLIE, des comités locaux d’insertion… sans compter les opérateurs privés et associatifs.  L’Etat, les Régions, les Départements et les communes interviennent dans le service public de l’emploi. Ce paysage constitue un véritable labyrinthe, tant pour les demandeurs d’emploi que pour les entreprises. A qui s’adresser ? Quand ? Comment ?

Le système est  « à bout de souffle », « illisible », est même en partie responsable du chômage endémique en France . Il est surtout l’archétype des défauts de la décentralisation française, où chaque échelon veut intervenir sur ce domaine, avec son institution propre.

 Pour aller plus loin :

 Nous avions ici même évoqué un rapport de l’IGAS sur la nécessaire territorialisation de la politique de l’emploi

Le Céreq a récemment publié une étude sur les défis de la territorialisation et de l’individualisation des politiques de l’emploi.

Qui fait quoi en matière d’emploi ?

«Pôle emploi à l’épreuve du chômage de masse ».

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