Autant la pauvreté monétaire fait couler beaucoup d’encre quant à sa définition, autant on s’intéresse peu à la pauvreté mesurée selon le niveau de diplôme, que l’on pourrait qualifier de « pauvreté scolaire », comme le propose le centre d’observation de la société. Pourtant, dans la société française, le titre scolaire dispose d’une importance décisive dans la définition des positions sociales. L’échec et le décrochage des jeunes sont médiatisés, très peu le niveau de diplôme de l’ensemble de la population.
Il n’existe aucune définition de la pauvreté scolaire. Selon l’Insee, 16 % de la population des 18 à 65 ans sont « en difficulté face à l’écrit » et 13 % ont des performances médiocres en calcul (données 2011). L’illettrisme 2 concerne 7 % de cette population.
Sur ces bases, on peut estimer qu’entre 10 et 15 % de la population ont un très faible niveau scolaire. Mais ces définitions absolues ne prennent pas en compte le niveau général de la population. Dans la vie de tous les jours comme pour s’insérer dans l’emploi, on se situe, scolairement parlant, par rapport au reste de la population. Comme on calcule un taux de pauvreté monétaire relatif à partir du niveau de vie médian, on peut imaginer une pauvreté scolaire relative, dépendante du niveau général de la population.
Comment faire ? Pourquoi ne pas considérer la part de la population qui se situe en dessous de la moitié du niveau de diplôme médian, en s’inspirant du mode de calcul de la pauvreté monétaire (avec le niveau de vie médian) ? On se heurte à un premier problème : on ne peut pas classer un par un les individus selon leur diplôme, mais seulement par tranches (le brevet des collèges, le CAP, le BEP, etc.). Il faut se contenter d’une observation artisanale. En observant la répartition de la population, on remarque que le niveau de diplôme médian se situe un peu au-dessous du BEP. 55 % des Français disposent au plus du BEP. Les classes moyennes du diplôme se situent à ce niveau. Deuxième problème : il est impossible de dire ce que vaut « la moitié d’un CAP ou d’un BEP ». Ceci dit, on peut noter que 25 % de la population dispose au mieux d’un certificat d’études. Ce titre ressemble à un seuil de pauvreté relatif.
Selon l’âge, les enjeux ne sont pas les mêmes : après la retraite, la question de l’insertion professionnelle ne se pose plus. On pourrait imaginer une mesure pour un âge donné : chez les 25-29 ans, le diplôme médian est le baccalauréat et le seuil de pauvreté relatif doit se situer au-delà du CAP. En outre, alors que le revenu est un flux (on en reçoit régulièrement), le niveau scolaire est un stock (comme le patrimoine monétaire) qui n’évolue que très rarement après la sortie du système éducatif. En pratique, une partie de la population a peu de diplôme, mais s’est formée par l’expérience ou des formations non-diplômantes.
Le calcul de la pauvreté scolaire est fragile. Il s’agit d’un exercice qui vise comprendre les enjeux culturels de la société française. La France diplômée de l’enseignement supérieur long (supérieur à bac+2) ne reste qu’une frange très minoritaire de la population : elle représente 17 % du total, presque deux fois moins que ceux qui n’ont que le brevet des collèges au maximum. Les classes moyennes du diplôme ont entre le brevet des collèges et le bac, les plus pauvres au mieux le certificat d’études. Il existe un décalage entre la représentation de la société française chez les plus diplômés et sa réalité d’ensemble.
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