Les différents aspects des débats sur la « justice » des prélèvements fiscaux

Pour évaluer la justice fiscale, il faut prendre en compte plusieurs dimensions : l’assiette fiscale et le taux de prélèvement sur cette assiette. L’observatoire des inégalités, dans le tableau ci après, présente les différents impôts selon ces deux critères et leur poids dans le total des recettes fiscales .

 D’abord l’assiette fiscale, c’est-à-dire la base sur laquelle repose le prélèvement. Doit-on plus ou moins taxer le patrimoine (débat sur l’impôt sur la fortune) ? Si oui, quel type de patrimoine (par exemple, faut-il taxer les œuvres d’art ?) ? Doit-on taxer plutôt les revenus de ce patrimoine (loyers, dividendes d’actions, intérêts, etc.) ? En matière de revenus issus du travail, doit-on taxer de la même manière les salaires, les revenus des indépendants, les retraites, etc. ?

 On peut ensuite limiter le périmètre de cette assiette : les « niches » fiscales constituent autant de trous dans l’assiette de l’impôt sur le revenu…   La fiscalité locale (la taxe foncière et la taxe d’habitation) repose sur une assiette (les valeurs locatives) dont l’évaluation date… des années 1970

Les taxes ciblées sur certains produits (comme les carburants) pénalisent que ceux qui les consomment, sans tenir compte du niveau de revenu.

Le taux de prélèvement, peut ensuite être proportionnel ou progressif.  Le système fiscal français est presque exclusivement proportionnel aux revenus (cotisations sociales et CSG) ou à la dépense (TVA et taxe sur les produits énergétiques notamment) : les trois quarts des prélèvements fonctionnent de la sorte.

« Proportionnel », cela veut dire qu’on prélève un pourcentage fixe de l’assiette, quel que soit le niveau de l’assiette.

Un impôt proportionnel réduit les inégalités dites « absolues », c’est-à-dire exprimées en euros.   Un taux de 10 % donne par exemple un impôt de 100 euros pour un revenu de 1 000 euros et un impôt de 1 000 euros pour un revenu de 10 000 euros. Avant impôt, l’écart de revenu est de 9 000 euros (10 000 – 1 000). Après, il est de 8 100 euros (9 000 – 900). Un tel impôt proportionnel ne change rien en revanche aux inégalités dites « relatives » (mesurées par un rapport) : le rapport entre ces deux revenus est toujours de 1 à 10 (10 000 divisé par 1 000 avant impôt et 9 000 divisé par 900 après).

Un impôt dit « progressif » suppose que le pourcentage du prélèvement augmente avec l’assiette taxée. Il s’agit de l’impôt sur le revenu, l’impôt sur la fortune (devenu impôt sur la fortune immobilière) et les droits de succession (sur l’héritage). L’impôt progressif est le seul à réduire les inégalités absolues et relatives de revenus

Le débat, en terme de justice est alors double : d’abord la part de cet impôt progressif  dans l’ensemble des recettes fiscales (aujourd’hui un peu moins d’un dixième de l’ensemble des prélèvements), et puis ensuite le degré de progressivité : comment sont étagés les différents taux appliqués pour le calcul des impôts, et quel doit être le taux le plus élevé ? Le taux marginal d’imposition sur le revenu (celui qui s’applique à la tranche la plus élevée des revenus) était encore à 65 % en 1986 et le taux d’imposition sur les sociétés à 45 %. En 2019, ils seront respectivement de 45 % et 28 % pour les premiers 500 000 euros de bénéfice, 31 % au-delà.

L’impôt sur le revenu cristallise à cet égard les oppositions, mais ses 70 milliards d’euros ne représentent qu’une petite partie des ressources du pays (7 %). Doit-on en rester là ?

Mais au-delà de l’assiette et des taux dont on voit bien les différentes dimensions dans les débats sur la justice fiscale, on peut ajouter l’évasion fiscale, et à travers cela l’ensemble des moyens légaux ou illégaux d’échapper à l’impôt.

  l’ensemble des niches fiscales, les trous dans l’assiette méritent d’être discutées : certaines sont justifiées (par exemple les déductions d’impôts pour les dons à des associations reconnues d’utilité publique, ou pour des travaux d’isolation thermique, etc.), pendant que d’autres sont à la fois inefficaces en termes d’intérêt général et socialement injustes lorsque les plus riches en bénéficient presque exclusivement, ou lorsqu’elles favorisent  quasi exclusivement les grandes entreprises

Bien sur le débat sur la « justice » proprement dite, peut difficilement, se tenir sans intégrer d’autres dimensions ; la concurrence internationale, le dynamisme économique, l’ouverture des frontières…ni bien sur les objectifs qu’on lui assigne : la réduction des inégalités, la redistribution des richesses…

 Pour  plus de détail, on pourra contacter les fiches de FIPECO sur les prélèvements obligatoires

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2 Commentaires

    • Penot Philippe sur février 19, 2019 à 8:32 am
    • Répondre

    Merci de cette synthèse qui éclaire le débat. Au delà nous pourrions évoquer la complexité du dispositif et les dérogations qui favorisent les évasions fiscales. Je trouve regrettable que le prélèvement à la source n’ait pas été l’occ D’une grande réforme de la fiscalité pour aller vers la simplification la justice la lutte contre l’évasion fiscale. Le taux réel de l’impôt sur les sociétés est très différents selon que l’on soit PME ou une grande entreprise. J’a En tête l’exemple d’une entreprise anciennement d’état qui réalise son ÇA exclusivement en France et qui aujourd’hui ne paye plus d’impôts en France car basée au Luxembourg comme son Président et quelques hauts cadres,

    1. je partage mais je ne suis pas sur que mélanger prélèvement à la source et réforme fiscale aurait permis la transparence , les comparaisons nécessaires à une bonne acceptabilité du prélèvement à la source

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