Jan 22

Election en Grèce 25 janvier : un évènement national de portée européenne ?

imagesCAFKCTOG10 millions de Grecs vont renouveler les 300 membres de la Vouli Ton Ellinon, chambre unique du Parlement, le 25 janvier. Ce scrutin législatif, anticipé de 18 mois, est consécutif à l’échec de l’élection présidentielle du mois de décembre dernier, qui avait été elle-même anticipée de 2 mois, et que j’avais évoquée ici. Les députés ne sont en effet pas parvenus à élire le successeur du chef de l’Etat Carolos Papoulias dont le 2e mandat se termine en mars prochain et qui ne peut pas se représenter.

Selon une note de la Fondation Schuman, Le Parlement grec (Vouli Ton Ellinon) est élu pour 4 ans au sein de 56 circonscriptions au scrutin proportionnel, appelé proportionnelle renforcée. Les électeurs votent pour une liste au sein de laquelle ils peuvent exprimer leurs préférences. 51 circonscriptions désignent 288 députés ; les 12 députés restants, appelés députés nationaux car ils représentent l’ensemble de la Grèce – une position honorifique –, sont désignés à partir des résultats de chacun des partis politiques à l’échelon national. Ce système électoral garantit un niveau de représentativité de 70% aux partis. Le parti arrivé en tête bénéficie d’un bonus de 50 sièges.

C’est le « scrutin le plus important depuis des décennies » pour le Premier ministre,  et un véritable référendum sur la politique d’austérité du gouvernement.

 La bourse d’Athènes a fortement chuté lors des 3 tours de l’élection présidentielle et après l’annonce du scrutin législatif et les taux d’intérêt de la dette grecque se sont envolés. Partout dans le monde, les bourses ont chuté (la baisse du prix du pétrole explique également ce recul), indiquant à Athènes que le pays n’est pas en mesure de se financer seul.

 Le 3 janvier,   l’hebdomadaire Der Spiegel soulignait que  le gouvernement allemand jugeait quasiment inévitable une sortie de la Grèce de la zone euro si le dirigeant de SYRIZA Alexis Tsipras parvenait à former un gouvernement, abandonnait la ligne de rigueur budgétaire et décidait de ne plus rembourser les dettes du pays à l’issue des élections. Toutefois la Commission européenne, a indiqué que « quoi qu’il advienne, le seul scénario viable pour la Commission est de « maintenir très fermement la Grèce ancrée à l’euro ».

 La Grèce a emprunté au total 194,7 milliards € à la zone euro (dont 52,9 milliards auprès de différents pays, notamment l’Allemagne et la France). La Grèce vit depuis 2010 sous perfusion : le FMI et l’Union européenne se sont, cette année-là, engagés à lui prêter 240 milliards € en échange de la mise en place de réformes et d’une politique d’austérité douloureuse pour une grande partie de la population.

Du côté des bonnes nouvelles, on citera le retour de la croissance : après 6 années de récession, l’économie grecque devrait renouer avec la croissance (0,6% prévus en 2014 et 2,9% cette année) ; en 2013, Athènes a enregistré le plus faible recul de son PIB depuis 2008 (- 3,9%), notamment grâce à une moindre baisse de la consommation des ménages et à la reprise du tourisme. De même, le déficit public représente 0,2% du PIB alors qu’il s’élevait à 15% il y a 5 ans. Enfin, Athènes a fait en avril dernier son retour sur les marchés financiers.

Mais le pays reste très fragile : Le chômage touche 25,7% de la population active (49,8% des -25 ans) ; le taux de pauvreté s’établit à 23,1%, un record dans l’Union européenne. Les salaires ont diminué d’un tiers, dans la fonction publique comme dans le secteur privé (le salaire minimum s’élève à 586 €) et sont souvent payés avec retard ; les pensions de retraite se sont effondrées et le revenu des ménages a chuté de 35%. Le nombre de fonctionnaires est passé de 900 000 (fin 2009) à 656 000 (fin 2014).

L’éventualité d’une victoire de SYRIZA et de l’arrivée au gouvernement d’Alexis Tsipras « effraie » les Européens. Au cours des derniers mois, le parti d’extrême-gauche s’est pourtant   recentré, essayant visiblement de rassurer investisseurs et électeurs et de montrer qu’il était capable d’exercer le pouvoir. Il ne demande plus la sortie de la Grèce de la zone euro, mais la révision des politiques d’austérité et souhaite qu’Athènes se libère de la tutelle de la troïka (FMI, BCE, Union européenne) qui impose au pays des réformes économiques douloureuses dans le but de restaurer la viabilité de ses finances publiques.

Alexis Tsipras s’est engagé à ne pas agir de façon unilatérale et son programme témoigne indéniablement d’une volonté de dialogue avec l’Union européenne.

Le parti prévoit trois orientations : l’arrêt de l’austérité avec  des allègements d’impôt, une hausse du salaire minimum, le rétablissement du 13e mois pour les plus faibles retraites, l’octroi de bons d’électricité ou de logement ; t un accès gratuit aux transports en commun pour les plus défavorisés (environ 300 000 foyers), le tout à hauteur de 11 milliards €. Le deuxième point est la négociation immédiate de la remise sur la dette pour 2015 et enfin le dernier, la renégociation globale de la charge de la dette (175% du PIB).

« Cette question du trou budgétaire peut être résolue si nous négocions avec nos partenaires une remise sur les 24 milliards € que nous devons allouer au remboursement de la dette sur l’année 2015. Nous souhaitons abaisser le niveau du remboursement de notre dette publique de 5% du PIB à 2% pour les 10 prochaines années. Nous paierons le FMI mais nous voulons renégocier la partie de notre dette publique détenue par les Etats européens, la BCE et le Mécanisme européen de stabilité (MES) [1] afin de la rendre soutenable » a déclaré George Stathakis, professeur d’économie et conseiller d’Alexis Tsipras

SYRIZA pourrait cette fois obtenir 30% des suffrages. Pas de quoi avoir une majorité absolue mais il ne lui manquerait alors qu’une dizaine de députés pour obtenir les 151 voix nécessaires

Antonis Samaras fait campagne sur la menace d’instabilité que représente SYRIZA parti à propos duquel il n’hésite pas à parler de terrorisme. « Voter pour SYRIZA, c’est mener le pays à la catastrophe et risquer une exclusion de la zone euro » répète son parti, la Nouvelle Démocratie.

Enfin, le PASOK est très faible dans les enquêtes d’opinion. Son échec lorsqu’il était au pouvoir (entre 2009 et 2011) et sa collaboration gouvernementale avec Nouvelle Démocratie ont manifestement discrédité le parti historique de la gauche.

Une victoire de la gauche radicale aurait indéniablement une forte dimension symbolique en Europe. Elle renforcerait par exemple Podemos (Nous pouvons), en Espagne dirigé par Pablo Iglesias Turrion . Podemos fait jeu égal avec le Parti populaire (PP) au pouvoir dans les enquêtes d’opinion. Mais elle reposerait la question des politiques budgétaires et du rythme de réduction de la dette, renforçant sans doute l’inflexion en cours vers plus d’investissement pour la croissance

Elle n’exonèrera pas la Grèce de faire un certain nombre de réformes sur l’imposition des armateurs ou de l’église, sur le travail noir ou la collecte des impôts

Le prochain gouvernement devra être formé rapidement, la Commission européenne ayant fixé à Athènes la fin du mois de février comme échéance pour clôturer le 2e plan d’aide. Il disposera donc de peu de temps pour négocier avec la troïka et d’une faible marge de manœuvre. Enfin, les nouveaux députés, qui siègeront à partir du 5 février, devront impérativement élire un successeur à Carolos Papoulias à la présidence de la République

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