Le prélèvement à la source de l’impôt devrait être mis en œuvre en 2018, mais l’annonce de son adoption par le gouvernement suscite quelques interrogations, ce qui est légitime.
On peut y voir plusieurs avantages :
1° C’est plus simple pour le contribuable et donc c’est moins douloureux. Le prélèvement à la source dispense le contribuable de faire les démarches pour payer l’impôt puisque le paiement est effectué par l’entreprise s’il est salarié ou par les banques s’il reçoit des revenus du capital. Bien entendu, il conservera l’obligation de réaliser sa déclaration auprès de l’administration en ce qui concerne sa situation familiale.
2° C’est meilleur pour la croissance car le contribuable n’est plus obligé de réaliser une épargne de précaution en vue du paiement de l’impôt, donc ça lui facilite la vie et ça stimule la dépense ce qui est bon pour la croissance.
3° C’est plus efficace pour l’Etat .Une meilleure utilisation des systèmes d’information devrait permettre une diminution des frais de recouvrement mais aussi moins de fraudes. Pour l’Etat, c’est aussi la fin du décalage d’un an entre la déclaration du revenu et sa perception.
Les Français sont fâchés avec l’impôt : on le comprends . D’abord ils ont augmenté constamment depuis 2010 et même si, à partir de fin 2015, ils baissent pour 9 millions de foyers fiscaux, pour le moment, ce n’est pas le cas.
L’impôt souffre aussi d’un manque de clarté : les niches fiscales crée un sentiment d’opacité sur qui paie quoi et pourquoi.
Enfin, il y a un sentiment d’inéquité fiscale ; ceux qui gagnent beaucoup (ceux qui tirent leur revenu du capital), paient moins que ceux qui tirent leur revenu du travail.
Tous les pays d’Europe, et la quasi-totalité des pays de l’OCDE, sauf la Suisse ont mis en place le prélèvement à la source
La retenue de l’impôt à la source fait l’objet de nombreuses rumeurs et même de certaines craintes en France. Le projet vient d’être présenté en Conseil des ministres. L’occasion de démêler le vrai du faux.
1. La réforme va permettre de dissimuler les augmentations d’impôt en les rendant plus indolores : FAUX
Le prélèvement à la source n’a rien à voir avec une question de niveau de l’impôt, mais poursuit une ambition de simplification et de transparence accrues.
2. Mon employeur ne connaîtra ni ma situation fiscale, ni le niveau de revenu de mon conjoint : VRAI
Mes données fiscales resteront confidentielles, quel que soit le mode de prélèvement choisi. Seule l’administration fiscale connaîtra les éléments détaillés relatifs à la situation personnelle de foyers fiscaux. La phase de concertation avec les différents acteurs de la réforme (et notamment les partenaires sociaux) permettra de définir les modalités techniques nécessaires pour préserver la vie privée des salariés et la confidentialité de leurs informations fiscales personnelles.
3. C’est la fin du quotient familial : FAUX
L’impôt va être individualisé. Le prélèvement à la source n’entraînera aucune remise en cause des fondements de notre impôt sur le revenu et notamment de sa prise en compte de la politique familiale (situation familiale, nombre d’enfants..)
4. Je vais devoir payer deux fois mes impôts en 2018, une fois sur les revenus de 2017 et une autre sur ceux de 2018 : FAUX
Il est bien évidemment hors de question d’exiger des contribuables qu’ils payent deux fois l’impôt en 2018 !
5. Les difficultés techniques vont contraindre le Gouvernement à l’abandon du projet : FAUX
Le prélèvement à la source est un projet ambitieux mais réaliste, comme le prouve son existence dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE. La France fait même figure d’exception à ne pas l’avoir encore déployé. Ce projet est donc parfaitement faisable, et le Gouvernement procèdera par étapes, avec l’ensemble des partenaires concernés, pour s’assurer de son succès technique. Commencés dès aujourd’hui, ces travaux permettront de fonder les décisions qui conduiront à une application entière de la réforme dès le début 2018.
6. Une déclaration de revenus restera nécessaire : VRAI
Une déclaration annuelle de revenus restera nécessaire car l’administration ne peut pas connaître tous les éléments de la situation fiscale des contribuables (exemple : les modifications de composition du foyer, les travaux réalisés déductibles des revenus locatifs ou les dépenses ouvrant droit à des avantages fiscaux). Par ailleurs, la déclaration annuelle de revenus est l’expression symbolique d’un lien entre le contribuable et l’impôt. C’est la manifestation de sa volonté de contribuer aux charges de la collectivité et de son adhésion au pacte républicain.
7. La réforme est faite au service des contribuables : VRAI
Actuellement, il existe un décalage qui peut atteindre plus d’un an entre la perception du revenu et son imposition. Ce décalage oblige chacun à anticiper l’impôt futur et peut contraindre certains à épargner pour éviter des difficultés de trésorerie. Prélever l’impôt en temps réel permet d’assurer son adéquation permanente avec les revenus effectifs.
8. Cette réforme sera une source de complexité supplémentaire pour les entreprises : FAUX
Le prélèvement par les entreprises n’est pas la seule piste possible. En tout état de cause, la charge du calcul du taux n’incombera pas aux tiers impliqués dans le prélèvement. Si les entreprises sont mobilisées, elles auront simplement un rôle de collecte. Or, elles participent déjà à la collecte des cotisations sociales ou de la CSG pour des montants bien supérieurs à celui de l’impôt sur le revenu.
9. Mon pouvoir d’achat sera identique : VRAI
Si le prélèvement à la source est opéré par l’employeur, le salaire net sera effectivement réduit mais le pouvoir d’achat sera strictement identique puisque l’impôt correspondant aura déjà été payé.
10. Cette réforme va revenir à supprimer tous les avantages fiscaux (réductions et crédits d’impôts) : FAUX
Le prélèvement à la source est parfaitement compatible avec le maintien des avantages fiscaux. Intégralement préservés, ces avantages fiscaux justifient d’ailleurs le maintien d’une déclaration annuelle des revenus.
11.Pour les particuliers, seuls les salaires seront concernés : FAUX
L’objectif de la réforme est bien d’établir un prélèvement à la source sur tous les revenus versés par un tiers payeur, qu’il s’agisse de l’État, d’une entreprise ou d’un organisme de protection sociale. La concertation avec l’ensemble de ces acteurs permettra de préciser le fonctionnement du nouveau dispositif. En revanche, il est bien évident que ce mécanisme ne sera pas appliqué pour les revenus issus de versements de particuliers (exemple : les revenus locatifs perçus par un particulier).————–
Petit élément d’histoire :Le jour où l’Amérique adopta le prélèvement à la source
En 1942, un économiste, alors peu connu, du nom de Milton Friedman participe à l’effort de guerre au sein du ministère des Finances aux Etats-Unis. A l’heure où le président Franklin Roosevelt va annoncer un élargissement sans précédent de l’assiette de l’impôt pour payer les dépenses militaires (seuls 5 % des Américains acquittaient alors l’impôt), Friedman doit mesurer la réaction des Américains en cas de prélèvement à la source du futur impôt.
Avec l’aide de l’Office of War Information, en charge de la propagande, Friedman interroge des centaines d’Américains et découvre que certains groupes sociaux, notamment les ouvriers et les femmes, sont plus réticents que d’autres. Pourtant, la mesure est accueillie favorablement. Beaucoup de contribuables préfèrent ce mode de prélèvement sur leur fiche de paie plutôt qu’une intervention directe du gouvernement fédéral. Le prélèvement, affirment-ils, causera moins de difficultés et de tensions. « Les petites sommes prélevées petit à petit nous manqueront moins » ou « il sera plus facile de payer ainsi que tout d’un coup » expliquent-ils.
Toutefois, Friedman appelle le gouvernement à être très prudent car même si « seulement un petit nombre de personnes s’oppose au projet de réforme en y voyant une forme de mise au pas, il est possible que l’argument finisse par trouver plus d’adeptes ». Car c’est moins le mode de collecte que le moment exact de l’entrée en vigueur qui pose problème. Faudra-t-il payer deux fois les impôts en 1943 ? Une fois pour ceux de 1942, et une autre pour ceux prélevés directement en 1943 ? Ces questions taraudent beaucoup d’Américains, qui craignent ne pas avoir mis de côté l’argent nécessaire. Au cours du mois de mai 1943, le populaire magazine Life se fait l’écho de ce malaise. « Prélever deux années en une est une vieille coutume chinoise », s’amuse l’hebdomadaire.
De plus en plus de voix se font entendre pour proposer que l’année 1942 devienne une année blanche
Une solution est vite proposée. Pourquoi le gouvernement n’envisage-t-il pas un cadeau fiscal pour tous les contribuables en ne faisant payer qu’une seule année ? A la stupeur du ministère des Finances, de plus en plus de voix se font entendre pour proposer que l’année 1942 devienne (ou reste pour beaucoup) une année blanche. Des pétitions sont envoyées au Congrès par de nombreux contribuables et des petites entreprises. Si peu de pétitionnaires ne remettent en cause le bien-fondé de l’effort de guerre, tous souhaitent soulager leur porte-monnaie au cours de l’année 1943.
L’administration Roosevelt se trouve confrontée à un important dilemme ; faut-il privilégier la rigueur budgétaire en temps de guerre ou éviter un mécontentement social important à l’arrière ? Plus encore, l’année blanche bénéficierait fortement aux citoyens les plus riches, que Roosevelt n’a pas eu pour habitude de choyer.
Faut-il privilégier la rigueur budgétaire en temps de guerre ou éviter un mécontentement social important à l’arrière ?
Après de longues discussions, le président parvient à négocier un compromis suffisant pour éteindre l’agitation dans le pays. Le 9 juin 1943, il signe la loi fiscale, accordant aux citoyens une exonération partielle des impôts de l’année 1942 à hauteur de 75 %, mais annonçant le prélèvement des impôts de l’année en cours avec une assiette beaucoup plus large.
Des millions d’Américains devront désormais s’habituer à la retenue à la source, obtenue à la suite d’une négociation dont le président Roosevelt avait le secret. Converti depuis peu au keynésianisme, il fut très sensible aux arguments des économistes sur le rôle du pouvoir d’achat des Américains en faveur de la croissance. Pendant la guerre, le retour de la croissance et du plein-emploi firent vite oublier aux citoyens ce prélèvement mensuel.
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