Jan 17

Brexit : quelles conséquences pour notre région normande ?

Le CESER de Normandie a récemment examiné  les impacts potentiels du Brexit dans notre région. Il a procédé à une collecte d’information portant essentiellement sur la nature des liens et partenariats existants dans des secteurs aussi variés que l’agriculture et l’industrie agroalimentaire, la pêche, le tourisme, les transports, les énergies, l’import-export, l’enseignement supérieur et la recherche, les résidences britanniques en Normandie…

Il y a bien sur des enjeux transversaux comme la Circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux.

Concernant la mobilité des personnes (accès aux touristes de part et d’autre de la Manche), l’impact du Brexit paraît nuancé dans la mesure où le Royaume-Uni est déjà un espace hors Schengen.

Les avis divergent sur l’impact en termes de fusions-acquisitions. Pour certains, les investisseurs étrangers qui considéraient le Royaume-Uni comme une porte d’entrée sur l’Europe pourraient être tentés de s’implanter ailleurs. Certains jugent au contraire que l’affaiblissement de la livre pourrait offrir de belles opportunités, voire créer une période de « soldes » sur place.

L’un des risques encourus est d’assister à un nouvel accroissement de l’attractivité de l’Eurotunnel au détriment des ports, du fait de sa réserve de capacité plus importante. Au positif, les impacts sur les flux pourraient conduire l’Irlande à perdre des parts de marché au Royaume-Uni et à se tourner davantage vers le continent pour trouver de nouveaux débouchés et générer ainsi des flux plus importants vers l’Europe.

Les 3 principaux programmes européens mobilisés sont : Erasmus +, Horizon 2020 et Interreg France (Manche) Angleterre. La réorganisation de zonages de programmation Interreg sera possible dans le futur programme FMA. Il n’est pas exclu que Royaume-Uni décide de contribuer financièrement en tant que non-membre de l’UE, au même titre que la Norvège, par exemple.

 Les enjeux sectoriels sont multiples :

  • Pêche : Avec ses 638 kilomètres de côtes, la Normandie est la première région française pour l’économie maritime et la 2ème région française pour la pêche. Le secteur de la pêche pourrait être particulièrement impacté par la sortie du Royaume-Uni de l’UE. En effet, la dépendance de la Normandie aux eaux britanniques est très importante puisqu’environ la moitié du poisson y est capturé. Les professionnels de pêche normands auraient beaucoup à perdre d’une réduction de l’accès à ces eaux.

Si l’idée circule qu’il conviendrait de négocier le maintien du libre accès aux eaux britanniques contre l’ouverture du marché européen aux produits de la mer britanniques, la crainte d’une négociation globale dans laquelle le secteur de la pêche pèserait peu ou pire encore, qu’elle serait utilisée comme une variable d’ajustement, est très présente.

Le Brexit devrait déboucher aussi sur une remise à plat des clés de répartition des quotas de pêche, reposant sur le principe de stabilité relative établi en 1983. La future répartition risque d’être particulièrement défavorable à la France, qui était jusqu’à présent considérée comme bien dotée au regard de la taille de sa flotte. Elle aura des conséquences y compris pour les flottes qui ne pêchent pas dans les eaux britanniques

  • Agriculture et industrie agroalimentaire :La contribution des Britanniques au budget de l’UE se situe ces dernières années entre 11 et 12 milliards d’euros. Bénéficiant d’environ 7 milliards d’euros des fonds européens, dont près de 4 milliards d’euros pour les deux piliers de la Politique Agricole Commune (PAC), le Royaume-Uni est –à hauteur de 4 à 5 milliards d’euros– le quatrième contributeur net de l’UE, derrière l’Allemagne, la France et l’Italie.Dans un contexte post-Brexit, la crainte est de voir par exemple certains produits laitiers se retrouver davantage en concurrence avec des produits néo-zélandais et la viande avec la viande australienne ou américaine.
  • Energie .Le développement des énergies renouvelables telles que le bois énergie, la méthanisation ou encore le solaire dont les sources sont locales et les technologies ne font pas l’objet d’importations ou d’exportations avec le Royaume-Uni qui seraient alors soumis à des droits de douanes ou à d’autres taxes, ne devraient pas etre touchés .Il en est de même pour le développement, au moins à court terme, des projets liés aux énergies marines renouvelables qui ont elles aussi des gisements locaux et bénéficient désormais d’usines de fabrication ou d’assemblage qui sont en cours de construction (Cherbourg) ou annoncées (Le Havre). Les projets d’interconnexion électrique entre la France et l’Angleterre pourraient en revanche être impactés. Deux projets de nouvelle interconnexion portés par RTE concernent la Normandie (IFA2 1GW en 2020 et FabLink 1,4GW en 2022). Le climat d’incertitude que le Brexit ouvre, ajouté à la perte des financements par la Banque Européenne d’Investissement (7 milliards d’euros injectés dans l’économie britannique en 2014, dont la moitié dans le secteur de l’énergie) du fait de la sortie de l’UE, pourraient fragiliser ces projets d’interconnexion
  • Transports : En présence des ports transmanche qui traitent 40% des échanges internationaux du Royaume-Uni en valeur, l’activité transmanche Angleterre ou Irlande est stratégique pour Ports Normands Associés (PNA). Elle représente plus de 2,16 millions de passagers dans les ports de Caen-Ouistreham, Cherbourg, Le Havre et Dieppe et 85% du tonnage réalisé par les seuls ports de Caen-Ouistreham et Cherbourg. Dans la mesure où 120 000 poids lourds transitent chaque année par ces deux ports, le Brexit constitue un point d’attention majeur.

A ce titre, en sachant tirer parti du lien privilégié et ancestral qu’elle a développé naturellement avec les Anglais mais aussi avec les Irlandais, les Ecossais et les Gallois, la Normandie pourrait, forte d’une ambition marquée de maintien de son ouverture sur l’Europe, jouer un rôle majeur. A l’instar de la région des Hauts-de-France, il convient en effet d’avoir à l’esprit que la Normandie bénéficie d’un positionnement très favorable, entre le sud de l’Angleterre et Paris, propre à attirer des entreprises britanniques qui pourraient notamment être tentées d’échapper à des lourdeurs administratives prévisibles dans un contexte post-Brexit. Ainsi, l’activité portuaire normande pourrait s’accroître significativement en jouant pleinement de la géographie et des savoir-faire en présence

  • Résidents britanniques en Normandie : Rappelons que pour les 1.3 million de Britanniques qui vivent en Europe en dehors de leur pays, la France représente le troisième pays d’accueil, après l’Espagne et l’Irlande. Il est estimé que la Normandie accueille 9.000 immigrés britanniques (dont 12% sont naturalisés français) et compte 6.300 résidences secondaires appartenant à des Britanniques, ce qui fait d’eux la 1ère « clientèle » étrangère pour les résidences secondaires en Normandie. Sur les 171.000 résidences secondaires normandes (représentant environ 10% du nombre de logements dans la région)6, un peu plus de 10.000 sont détenues par des étrangers, dont 62% de Britanniques. Cette proportion est globalement en hausse depuis les dix dernières années mais la croissance a tendance à ralentir et les effets du Brexit pourraient être perceptibles dans les études à venir.
  • Tourisme : Les Britanniques constituent la 1ère clientèle étrangère en France, avec 12 millions d’arrivées chaque année, de même que la 1ère clientèle étrangère en Normandie avec près d’un million de nuitées réservées en 2016.
  • Echanges linguistiques et culturels : Juste derrière l’Espagne, la France et le Royaume-Uni font partie des destinations les plus populaires des étudiants Eramus. La France est quant à elle le pays qui en envoie le plus selon les derniers chiffres disponibles de l’année 2014-2015). Il existe par ailleurs 231 jumelages7 entre des communes de la Normandie et le Royaume-Uni qui devraient être peu impactés
  • Enseignement supérieur et recherche : Au sein du Royaume-Uni, les secteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche sont probablement ceux qui déplorent le plus la décision du Brexit. L’enseignement supérieur et la recherche sont effectivement devenus des secteurs internationaux par excellence.

Conclusion :Attentisme ou attente nécessaire ?

Face à une attitude des entreprises normandes jugée trop attentiste par certains, d’autres estiment qu’il est effectivement plus raisonnable d’attendre les résultats des négociations en cours entre le Royaume-Uni et l’UE et qu’il importe, dans tous les cas, de ne pas céder à « l’agitation médiatique » autour du Brexit.

En Normandie comme ailleurs, il est bien difficile et même impossible d’établir des prévisions sérieuses sur les impacts concrets induits par le Brexit, à court, moyen et long terme. En adoptant une attitude pragmatique chère aux Britanniques qui consiste à chercher des solutions plutôt qu’à pointer les difficultés, les Normands n’ont probablement dans l’ensemble rien à perdre et pourraient même trouver dans la situation du Brexit l’aiguillon leur permettant de revisiter des pratiques en cours et créer de nouvelles stratégies, plus adaptées aux multiples et complexes évolutions sociales et commerciales, plus offensives et plus efficientes. Un élan proactif et confiant des entreprises exportatrices, des professionnels du tourisme, du monde universitaire et de tous les secteurs qui sont aujourd’hui liés, de près ou de loin, au Royaume-Uni peut permettre d’actionner des leviers de développement encore inexplorés.

Il y a par contre un risque majeur pour le secteur de la pêche très dépendant des réglementations et des zones géographiques autorisées. Il risque de subir de plein fouet les effets du Brexit en cas de négociations.

Pour en savoir plus  : Les effets du Brexit en Normandie

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