Juin 04

Ou en sommes-nous de l’élargissement de l’Union Européenne aux pays des Balkans?

A l’occasion du sommet des   28 dirigeants de l’UE à Sofia (c’est la Bulgarie qui assure actuellement  la présidence tournante du conseil de l’UE), Toute l’Europe a dressé un état des lieux de l’accession au statut de pays membre des pays  des Balkans.

Ou en sont les négociations d’adhésion des six pays des Balkans occidentaux ? , les négociations en vue de l’adhésion à l’UE ont commencé pour deux d’entre eux : le Monténégro et la Serbie. Deux autres sont officiellement candidats, mais les pourparlers, traditionnellement très longs, n’ont pas encore démarré : il s’agit de l’Albanie et de la Macédoine. Enfin, les deux autres Etats ne sont pour l’heure que « candidats potentiels » à l’adhésion : la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo.

Le sommet de Thessalonique (Grèce) de 2003 avait acté la vocation des Balkans occidentaux à entrer dans l’Union européenne, mais depuis, seule la Croatie a accédé au statut d’État membre, en 2013. Des dates indicatives ont été données par la commission pour l’entrée des quatre pays candidats : 2025 pour la Serbie et le Monténégro et 2030 pour l’Albanie et la Macédoine.

Mais  cette perspective apparaît peu crédible. D’une part parce que   « l’Union européenne a changé » depuis le sommet de 2003 en passant de 15 à 28 États membres – et bientôt 27 – et de nombreux pays de l’Union européenne s’interrogent sur de nouveaux élargissements. Par ailleurs, les six pays concernés sont loin de répondre aux critères de l’UE en termes d’État de droit et de gouvernance économique. Mais n’oublions pas qu’au total c’est 18 millions d’habitants, un tiers de ceux qui nous quittent avec le Brexit !

Mais il faut regarder de plus près : deux décennies après la fin des guerres d’ex-Yougoslavie, la zone est encore instable et représente un risque sécuritaire. La résurgence des nationalismes, le risque de conflit comme la montée de la radicalisation djihadiste et la persistance du crime organisé, inquiètent. L’influence grandissante de certaines puissances étrangères, à la tête desquelles figurent la Russie, la Chine et la Turquie est également préoccupante. Cet élargissement est bien une question stratégique, et pour être allé en mission en Bosnie Herzégovine, ou  en Albanie, je le mesure bien ! C’est aussi l’intérêt de ces pays comme le souligne le Président du Mouvement Européen.

ALBANIE (Capitale : Tirana, Superficie : 28 748 km², Population : 2,89 millions (2016), PIB : 10,2 milliards d’euros (2015), Taux de croissance : 2,2% (2015), Taux de chômage : 16,8% (2016))

Si le « pays des aigles » est candidat à l’UE depuis 2014, il n’a toujours pas entamé les négociations. En cause : les faiblesses de l’administration publique, et le manque d’indépendance et de transparence de la justice. Surtout, c’est dans la lutte contre le crime organisé et la corruption que le pays est le plus en retard. C’est notamment le premier pays d’origine du cannabis trafiqué dans l’Union européenne, d’après un rapport d’Europol. L’Union européenne insiste également sur les discriminations, voire les ségrégations qui touchent les minorités (principalement les Roms et les Jevgjits). D’après un rapport du Programme des Nations unies pour le développement, celles-ci se trouvaient trois fois plus touchées par le chômage que les autres Albanais. Les difficultés d’accès au logement et à l’éducation sont également pointées du doigt.

BOSNIE-HERZEGOVINE (Capitale : Sarajevo, Superficie : 51 066 Km², Population : 3,83 millions (2015)
, PIB : 16,5 milliards de dollars (2016), Taux de croissance : 3,1% (2015), Taux de chômage : 25,4% (2016)

La Bosnie-Herzégovine (BiH) ne dispose pas du statut de candidat à l’Union européenne, mais seulement de pays potentiellement candidat. Comme le reste des pays de la région, le pays n’a toujours pas mis en place les réformes nécessaires à l’établissement d’un État de droit et l’économie de marché y est encore au stade embryonnaire. Tant sur le plan politique qu’économique, la mise en place de réformes est largement paralysée par la haute complexité du système politique. On y décèle en effet les stigmates laissés par la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1995) qui avait opposé les peuples serbe, croate et bosniaque. La signature des accords de paix de Dayton en 1995 a mis en place une fédération constituée de deux entités : la République serbe de Bosnie, unitaire et centralisée, et la Fédération de Bosnie-Herzégovine, elle-même une fédération décentralisée de 10 cantons. Une présidence tripartite composée de trois représentants des peuples constitutifs (serbe, croate, bosniaque) doit s’accorder avant toute réforme, ce qui ralentit considérablement le processus de décision.

SERBIE (Capitale : Belgrade, Superficie : 88 361 km², Population : 7,04 millions (2017), PIB : 34,1 milliards d’euros  (2016), Taux de croissance : 2,8 %  (2016), Taux de chômage : 21% (2016)

La Serbie est seul pays avec le Monténégro à avoir entamé les négociations pour l’adhésion à l’Union européenne, mais elles sont toutefois bien moins avancées. La Commission européenne estime que de nombreux progrès restent à faire dans le domaine de l’État de droit et s’inquiète de l’ingérence du pouvoir politique dans la justice et l’administration. Mais la Serbie butte surtout sur sa difficulté à normaliser ses relations bilatérales avec le Kosovo. Ce pays à majorité albanaise a pris son indépendance du régime de Belgrade en 2008. Une indépendance que ne reconnait toujours pas la Serbie (de même que cinq autres pays de l’UE). Si les deux pays ont signé en 2013 un accord de « normalisation », son application est toutefois inégale. Belgrade reproche notamment au Kosovo de ne pas mettre œuvre la création d’une Communauté des municipalités serbes dans le nord du pays, alors qu’elle est prévue par l’accord. Les tensions ressurgissent régulièrement, comme en mars 2018, lorsque la Serbie a refusé de laisser entrer l’équipe de karaté kosovare sur son territoire pour participer au championnat d’Europe.

MONTENEGRO (Capitale : Podgorica, Superficie : 13 812 km², Population : 0,62 million  (2017), PIB : 3,6 milliards d’euros (2015), Taux de croissance : 3,4 % (2015), Taux de chômage : 17,8% (2016))

Ce petit pays de 600 000 habitants est le plus riche de la région et le plus proche de l’adhésion à l’Union européenne. Après avoir pris son indépendance en 2006 de la Serbie, le Monténégro accède au statut de pays candidat à l’UE en 2010. Il est le plus avancé dans les négociations, les principaux points noirs restant la lutte contre la corruption et le crime organisé. Au début du mois de mai 2018, la Commission européenne a également alerté le pays sur les menaces pesant sur la liberté de la presse, après qu’une journaliste d’investigation a été blessée par balle. Economiquement parlant, si le pays est le plus riche de la région et et utilise déjà l’euro comme monnaie courante, il reste confronté à un taux de chômage élevé (17,8% en 2016) et connaît encore de fortes difficultés à collecter les impôts.

KOSOVO  (Capitale : Pristina, Superficie : 10 887 km², Population : 1,77 million (2016), PIB : 5,8 milliards d’euros (2015), Taux de croissance : 4,1 % (2015), Taux de chômage : 35,3% (2014))

Le Kosovo est probablement le pays des Balkans le plus éloigné d’une adhésion à l’Union européenne. Contrairement à leurs voisins, les ressortissants kosovars ne peuvent voyager au sein de l’UE sans visa. En préalable à cette facilité de déplacement, l’UE enjoint Pristina à renforcer sa lutte contre le crime organisé et résoudre le conflit qui l’oppose au Monténégro sur sa frontière nord. Depuis la publication du rapport de l’UE en 2018, un accord sur la frontière a maintenant été trouvé. Autre condition exprimée par l’UE : le Kosovo doit parvenir à normaliser ses relations avec son voisin serbe et plus largement à une reconnaissance au niveau international. Car le pays n’est indépendant de la Serbie que depuis 2008. Or celle-ci ne reconnaît toujours pas le régime de Pristina. Si un accord de normalisation des relations a été signé en 2013, sa mise en œuvre reste toujours compliquée. Plus largement, 35 pays, dont la Russie et la Chine, ne reconnaissent toujours pas l’indépendance du pays. En Europe, l’Espagne, Chypre, la Grèce, la Roumanie et la Slovaquie ne lui reconnaissent pas non plus ce statut.

ANCIENNE REPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACEDOINE (Capitale : Skopje, Superficie : 25 713 km² – (Eurostat), Population : 2,07 millions (2017), PIB : 9,9 milliards d’euros (2016), Taux de croissance : 3,6 % (2016), Taux de chômage : 26% (2016)

Candidate depuis 2005 à l’adhésion européenne, la Macédoine n’a toujours pas entamé les négociations, se heurtant notamment à un conflit avec la Grèce sur l’utilisation du nom « Macédoine ». Athènes refuse en effet de reconnaître que le pays soit dénommé ainsi, y voyant une revendication de la région grecque portant le même. Par ailleurs, si le pays a largement réformé son système judiciaire et amélioré considérablement l’indépendance de la justice, la corruption, le crime organisé et le blanchiment d’argent y restent de « sérieux problèmes » selon l’UE. Plus récemment, c’est la crise politique de 2016-2017 qui a inquiété les autorités européennes. L’alliance entre la coalition sociale-démocrate et des partis de la minorité albanaise (25% de la population) avait provoqué la colère de la droite nationaliste (VMRO-DPMNE). La crise avait culminé en avril 2017, lorsque ces derniers avaient provoqué des violences au sein même du Parlement, faisant une centaine de blessés. Les tensions avaient fait craindre la menace d’un conflit inter-ethnique au sein du pays, qui semble depuis être écartée. Ainsi, si la Macédoine a pu rejoindre les Nations unies sous l’appellation Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), la Grèce bloque toujours une adhésion à l’OTAN et à l’UE tant que le problème ne sera pas réglé.

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