L’Assemblée nationale a adopté à une très large majorité le projet de loi de lutte contre la fraude, considérée comme « Une trahison envers la collectivité », par le Ministre chargé des comptes publics.
Un Observatoire pour évaluer pour la première fois officiellement, le montant de la fraude fiscale dans notre pays a été créé.
Dans le même esprit, la nouvelle loi doit permettre de mieux détecter et sanctionner la fraude fiscale, mais aussi sociale et douanière, grâce notamment à un certain nombre d’outils :
– Une meilleure détection grâce au développement du data-mining (exploration de données) : c’est essentiel car nos données fiscales et sociales constituent une mine d’or que nous n’exploitons pas encore suffisamment. L’administration, autorisée par le procureur, pourra par exemple demander aux opérateurs internet les données de connexion du contribuable. Une personne qui consulterait un compte bancaire à Singapour pourra ainsi être tracée par son ordinateur ou son téléphone. Même chose pour les non-résidents qui passeraient trop de temps en France.
– Des sanctions plus efficaces, grâce à la création d’une police fiscale. Elle sera placée au sein du ministère chargé du budget et sera complémentaire de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, offrant ainsi au parquet la possibilité de saisir le service instructeur le plus pertinent en fonction du dossier, et ainsi de mieux couvrir les différents risques de fraude. Si la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale conservera les dossiers les plus lourds sur le plan pénal, et notamment ceux pour lesquels la fraude n’est qu’un des éléments à charge, la nouvelle police fiscale, elle, se concentrera sur les dossiers purement fiscaux afin de mieux lutter contre le seul délit de fraude.
– La fin du verrou de Bercy, remplacé par des critères automatiques transparents pour déterminer les dossiers de fraude fiscale devant être transmis à la justice. C’est une évolution historique mettant fin à un système vieux de plus de cent ans. Désormais, les dossiers les plus graves relevant de la manœuvre frauduleuse, de l’abus de droit, d’une activité occulte ou de l’obstruction à contrôle seront transmis automatiquement, avec un seuil de gravité plus bas pour les personnalités publiques relevant de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, dont la conduite doit être irréprochable. Un amendement adopté, permet d’accélérer les procédures de dépôt de plainte en cas de présomption caractérisée de fraude fiscale et permet au Parquet de s’autosaisir en étendant une plainte déjà déposée à d’autres exercices ou impôts.
Si Cahuzac n’avait pas démissionné, c’est lui qui aurait dû dire si, oui ou non, des poursuites pénales pouvaient être engagées… contre lui-même. C’est l’exemple parfait des limites de ce “verrou de Bercy”. Pourquoi ce refus de supprimer ce verrou de Bercy ? Parce que ce verrou était perçu comme un levier permettant à Bercy de menacer les fraudeurs en leur disant : soit vous acceptez le redressement et vous payez, soit on autorise les poursuites pénales.
– La loi instaure un mécanisme de transmission automatique à la justice des affaires ayant donné lieu à des pénalités administratives importantes. Le montant de la fraude déclenchant cette transmission est fixé à 100 000 euros, si le contribuable encourt des pénalités d’au moins 80 % (en cas d’abus de droit ou de manœuvre frauduleuse). Ou si le redressement prévoit des pénalités de 40 % et si le contribuable en a déjà supporté de semblables au cours des six années précédentes. Il existe environ 14 000 dossiers par an qui suscitent des pénalités d’au moins 40 % !
– L’extension du « plaider coupable » pour les fraudeurs au pénal. Ces derniers pourront ainsi reconnaître leur culpabilité et éviter un procès, à condition qu’ils acceptent les peines proposées par le parquet. Le but est ainsi d’accélérer les procédures.
– Pour les cas les plus graves, une procédure de « name and shame » sera mise en place. A des fins dissuasives, les noms des fraudeurs seront automatiquement diffusés via les journaux et Internet. Bercy évoque un potentiel de plusieurs centaines de cas par an.
– La création de sanctions pour les intermédiaires, c’est-à-dire les cabinets d’avocats ou de conseils qui élaborent les montages frauduleux et abusifs. Désormais, ils pourront se voir infliger des peines allant de 10 000 euros à 50 % des honoraires perçus. C’est un signal fort à destination de tous ceux qui se rendent complices de fraude fiscale.
– Enfin, ce projet de loi durcit les sanctions pour la fabrication, la détention, la vente et le transport illicite de tabac. Les peines seront dorénavant doublées.
La liste noire des paradis fiscaux va par ailleurs être revue par la France.
Ce texte donne des armes nouvelles au juge et à l’administration fiscale pour davantage collaborer dans le but de lutter contre tous les types de fraude. Il montre la volonté de la France de prendre le leadership en matière de lutte contre la fraude fiscale que ce soit à travers la signature de conventions internationales, mais aussi au niveau européen avec la question de la taxation des géants du numérique.
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