Les performances des métropoles en termes de création d’emplois se vérifie-t-elle systématiquement ? Surtout, les territoires avoisinants en bénéficient-ils par effet d’entraînement ?
Voilà une analyse qui alimentera à coup sûr les débats de la seconde séquence de la Conférence nationale des territoires, le 14 décembre prochain et consacrée spécifiquement à la « cohésion des territoires ». Pour France Stratégie, les effets d’entraînement des métropoles sur l’emploi de leurs territoires avoisinants sont « peu visibles ».
Douze métropoles de province ont été examinées dans une étude de France Stratégie, basée sur les recherches du laboratoire EconomiX de l’université de Nanterre : Aix-Marseille, Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Montpellier, Nantes, Nice, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse. Profil commun : elles représentent les douze plus grandes aires urbaines de province qui ont acquis le statut institutionnel de métropole au 1er janvier 2016. Pour valider l’existence d’une dynamique propre aux métropoles et d’éventuels effets d’entraînement sur les territoires voisins, les auteurs se sont également intéressés de près aux différents périmètres économiques des métropoles : du pôle urbain à la couronne périurbaine, et aux zones d’emploi voisines.
Bilan ? « La dynamique métropolitaine est évidente », confirment les auteurs qui en veulent pour preuve la croissance de l’emploi observée dans les zones d’emploi englobant les douze métropoles étudiées : 1,4 % par an en moyenne, contre 0,8 % sur l’ensemble du territoire, sur la période 1999- 2014. Mais pour autant « Ces grandes villes connaissent chacune des fortunes diverses », soulignent-ils. Si les zones d’emploi de Bordeaux, Montpellier ou Nantes ont vu leur poids dans l’emploi national augmenter sur la période étudiée, celles de Nice ou Rouen par exemple ont enregistré une croissance de l’emploi inférieure à la moyenne nationale.
L’analyse confirme également que la périphérie est plus dynamique que le centre : le taux de croissance de l’emploi est systématiquement plus élevé dans les couronnes périurbaines que dans les pôles sur la période étudiée. Elle identifie par ailleurs des « responsables » de la surperformance des métropoles : les secteurs de l’industrie manufacturière, des services aux entreprises, du commerce de gros et du transport de marchandises. Ces secteurs dits « de base compétitive » expliquent plus de la moitié de l’écart de croissance de l’emploi salarié total entre les métropoles et l’ensemble du territoire sur la période 2004-2010, alors qu’ils ne représentent qu’un peu plus du tiers de l’emploi.
Si la dynamique propre aux métropoles n’est donc plus à démontrer, qu’en est-il de leur capacité à entraîner dans leur sillage les régions et territoires avoisinants ? « Globalement les effets d’entraînement sont peu visibles ». Entre 2009 et 2014, l’emploi salarié dans les zones d’emploi des douze métropoles étudiées a augmenté de 0,65 % par an. Au niveau national, ce taux était de 0,13 %. Dans les zones d’emploi entourant les métropoles et dans celles de la région, ce taux est quasi nul, voire négatif ! Bordeaux et Rennes
Certaines métropoles sont dans une dynamique partagée, typiquement Lyon, Nantes ou Aix-Marseille qui s’inscrivent dans une logique de co-développement avec leurs territoires proches, et dans une moindre mesure,
D’autres, à l’inverse, se développent en isolat : leur dynamisme propre n’est pas partagé avec les territoires qui les entourent. C’est le cas de Lille, Toulouse ou encore Montpellier.
On observe aussi des métropoles à dynamique inversée, là où les territoires avoisinant la métropole enregistrent une croissance de l’emploi plus forte que celle de la métropole, à Grenoble ou Strasbourg par exemple.
Et puis il y a les territoires en difficultés, quand l’emploi diminue simultanément dans la métropole et les territoires alentour, comme à Rouen ou Nice, qui « sont en difficulté sur le plan de l’emploi ». Leurs zones d’emploi comme leurs territoires avoisinants « voient leur emploi décroître ». Pour la seule métropole rouennaise, c’est toute la région Normandie qui en pâtit. La croissance annuelle de l’emploi salarié dans la zone d’emploi de la métropole de Rouen était ainsi évaluée à plus de 3% de baisse entre 2009 et 2014 et celle des zones d’emploi de la région normande contiguës à Rouen était de -0,9%.
Même si le diagnostic établi par France Stratégie reste « très factuel » selon ses propres termes, « la double question de la capacité des métropoles à se développer et à faire rayonner leur dynamisme sur les territoires voisins reste entière ». C’est sur ces bases « qu’il conviendrait de définir les investissements et les politiques permettant d’atteindre les objectifs d’une croissance territoriale inclusive et de traduire en termes concrets l’alliance des territoires que la nouvelle organisation territoriale promeut », ajoute l’organisme.
Cette note d’analyse s’appuie sur l’étude « Analyse du lien entre les métropoles et les territoires avoisinants » réalisée par Nadine Levratto, Marc Brunetto, Denis Carré et Luc Tessier du laboratoire EconomiX de l’université Paris X Nanterre. Lancée en 2015, cette étude a été financée par l’Institut CDC pour la recherche (Caisse des dépôts), le Commissariat général à l’égalité des territoires et France Stratégie.
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